"Pour la première fois dans l'histoire du festival, on finira cette édition avec un déficit, à chiffrer en fonction des résultats de la billetterie", lance Michel Le Bris à l'issue de la 27^e édition du festival Etonnants Voyageurs, qui s'est tenue du 14 au 16 mai à Saint-Malo.
 
Le directeur du festival a dû procéder à quelques arbitrages en amont du festival, comme cesser la captation vidéo des rencontres, qui se fait depuis un quart de siècle, créant ainsi un trou dans les archives, ou sacrifier le sol en moquette du salon du livre. Malgré les inquiétudes liées aux difficultés financières pour organiser la manifestation cette année et maintenir le nombre de rendez-vous (300 environ) proposés aux festivaliers, l'équipe a pu constater la réponse très positive du public, avec une fréquentation en légère hausse, estimée à 63 000 visiteurs.

Dès la veille de l'ouverture s'étiraient des files d’attente monstrueuses pour acheter des billets, malgré le passage du prix d'entrée à la journée à 15 euros, et les achats de pass pour les trois jours étaient en hausse, signe de la fidélité du public.
 
Le week-end a été marqué par une "marée humaine époustouflante", selon les termes de Michel Le Bris. Les 25 salles investies par la manifestation n'ont pas désempli, et affichaient même complet parfois une heure avant les débats ou projections, créant l'habituelle frustration des visiteurs restés dehors.

Plusieurs moments forts ont rythmé le week-end, comme le grand entretien avec l’astrophysicien Hubert Reeves, ou l'après-midi " Le courage des femmes " avec Malika Boussouf, Ayat Najafi, Khadija Al-Salami, Mylène Sauloy et Pascale Bourgaux. 
 

" Comme d'autres manifestations culturelles, Saint-Malo Etonnants Voyageurs se trouve cette année dans une situation délicate, et nous allons œuvrer dès demain pour rechercher des solutions et essayer de mettre la manifestation à l'abri malgré la baisse de l'engagement de certains partenaires ", souligne Michel Le Bris, qui note l'effort du Centre national du livre pour soutenir le festival et amortir le choc de la réforme sur le défraiement des auteurs.

Reste à trouver une solution durable, car il manque environ 50 000 euros pour retrouver l'équilibre, et 80 000 euros pour entretenir le rayonnement international du festival. La manifestation, qui a l'habitude de se délocaliser entre deux éditions malouines, au Mali, en Haïti, au Congo ou au Maroc par exemple, n'a pas pu monter de festival frère hors de France cette année.

Le Grand Marin en rupture de stock
 

Côté salon du livre, sous la tente qui fait face au palais du Grand Large, les libraires sont satisfaits par les ventes mais laissent poindre quelques inquiétudes. Les 350 exemplaires du Grand Marin, premier roman de Catherine Poulain qui a raflé quatre des sept prix du festival, étaient tous vendus dès dimanche, et Frédéric Tué, à la tête de la librairie Odyssée (Saint-Malo), qui gérait le stand de l'Olivier, a pu compter sur les libraires du Grenier et de la Droguerie marine pour le dépanner de 50 exemplaires supplémentaires, qui sont partis tout aussi vite.

Carton plein aussi pour Christiane Taubira, Hubert Reeves, Colum McCann, Boualem Sansal ou pour les auteurs Zulma, maison doublement primée puisque Makenzy Orcel a reçu le prix Littérature-monde pour L’ombre animale, et Andri Snaer Magnason un Grand prix de l'imaginaire dans la catégorie roman étranger pour LoveStar.
 

"Les clients qui sortent des rencontres nous disent à quel point ils ont vécu un moment unique, dont ils se souviendront longtemps, comme d'entendre Hubert Reeves ou Christiane Taubira", raconte Dominique Fredj, directeur de Le Failler à Rennes. "Ça suffit à me faire dire que c'est une belle édition", conclut-il. Même son de cloche à la Droguerie marine (Saint-Servan), où Loïc Josse se dit " rassuré " de voir " la qualité du public et sa curiosité".
 
L'effet des rencontres
 
Pour Bertrand Curé et Pascale Perrot de la librairie Au vent des mots (Lorient), qui commercialisait les livres d'Albin Michel, la comparaison avec 2015 et les 1000 exemplaires vendus du roman d'Anthony Doerr ne pouvait être que défavorable. Cependant, ils restent satisfaits de l'éclairage sur les 20 ans de la collection "Terres d’Amérique" et constatent que chaque rencontre organisée dans un des lieux du festival entraîne ensuite un afflux d'acheteurs sur le stand.

François-Régis Sirgiacq, à la tête du Forum du livre à Rennes, se dit " dubitatif " à l'issue du festival. Avec Grasset, Zoé, Finitude ou Picquier sur son stand, il a réalisé de bonnes ventes, grâce aux dédicaces mais aussi à l'initiative de proposer toutes les nouveautés en fiction de Grasset du début d'année. Mais, à l'instar de ses confrères, il note une baisse de fréquentation des allées du salon du livre, alors qu'elle progresse pour l'ensemble du festival, et a entendu beaucoup de clients se plaindre de l'augmentation des tarifs d’entrée.

Tout comme Marie Boisgontier (M’Lire, Laval), qui qualifie l'édition de "correcte"  en terme de ventes, il a constaté un regain de fréquentation après 18h, à l'issue des débats, mais aussi quand l'espace librairie devient gratuit. En effet, l'an passé, les organisateurs ont décidé de laisser le public entrer au salon du livre (pas dans les rencontres) sans payer entre 18h et 20h. Une décision que tous louent, tout en évoquant la possibilité d'une gratuité totale de l'accès à cet espace. Encore un défi pour le 28^e festival, qui devrait se tenir du 3 au 5 juin 2017.