Dans l'État de Floride, la « loi sur les droits parentaux en matière d'éducation », celle sur le « Wrong to Ours Kids and Employees (W.O.K.E) » ("Tort envers nos enfants et employés"), et la loi « HB1467 » défendues par le républicain ultra-conservateur Ron DeSantis, en vigueur depuis le 1er juillet 2022, contraignent les établissements scolaires à vider leurs bibliothèques.
La « loi sur les droits parentaux en matière d'éducation », que ses détracteurs surnomment le « Don't Say Gay Act » interdit aux professeurs d'évoquer les questions de genre et d'orientation sexuelle dans leur cours jusqu'en classe de CE2 sous peine de 2 à 10 ans de prison. Le « Wrong to Ours Kids and Employees (W.O.K.E), considéré comme le « Stop Woke Act », les empêche d'aborder les théories critiques de la race et du sexe à l'école comme à l'université. La loi « HB1467 » oblige les chefs d'établissement à purger leurs bibliothèques et à publier un catalogue conforme sur leur site. Par ailleurs, parents et publics peuvent signaler tous les ouvrages considérés comme illicites.
Une censure qui touche 4 millions d'élèves
Les témoignages des conséquences des ces lois abondent : des images montrent des rayons de librairies vides, des listes de livres autorisés, et l'organisation Pen America a recueilli la parole de professeurs qui font cours sans livres... « Ils ont retiré tous les livres de la classe de mon enfance en attendant qu'ils soient examinés et validés...», explique Brian Covey, entrepreneur et professeur suppléant à la Duval County Public School, à Jacksonville (Floride). Même son de cloche à la St. Johns County School District à Saint-Augustin où la journaliste américaine Heather Schatz y a pris un cliché montrant les rayonnages vides et commentant « Ceci est une bibliothèque de lycée ».
Depuis plusieurs semaines, tous les ouvrages des établissements scolaires de Floride doivent passer le check-up de « spécialistes des médias formés » chargés de contrôler si les livres comprennent du contenu pornographique ou s'ils sont « adaptés aux besoins des étudiants ». Un examen, qui à la Duval County Public, prend 10 minutes pour chaque ouvrage. À ce rythme, « il faudrait 2 ans et demi pour analyser les 1,6 million de titres dont regorge l'établissement », estime Brian Covey. « Cette loi est si floue que ces spécialistes ont été autorisés à "pêcher par excès de prudence. »
« Voir tous ces rayons de l'école de mon enfant vides c'est dystopique pour moi et difficile à croire », déplore-t-il. Une plateforme pour recueillir toutes les pétitions et aider à la mise en place d'actions locales contre les interdictions de livres a été lancée. En 2022, Pen America a déjà publié la liste des 1648 titres bannis entre 2021 et 2022 aux États-Unis (en raison de leurs thèmes LGBTQ+, de leurs questions portant sur la race et le racisme, ou de leur contenu sexuel...) et toujours pas réintégrés. Une censure qui touche 5049 écoles et 4 millions d'élèves et étudiants.