ÉDITO par Fabrice Piault, rédacteur en chef adjoint

Photo OLIVIER DION

Parce qu'on pense à Antonio Tabucchi, on se souvient de Fernando Pessoa et de ses hétéronymes, reflets multiples d'une personnalité complexe. Et l'on imagine aussi pour l'avenir de Flammarion une demi-douzaine d'options comme autant de facettes d'une histoire singulière : une maison commune avec un puissant cousin du faubourg Saint-Germain ; un bail dans une copropriété établie par deux parents qui se sont récemment trouvés ; la seconde dépendance en France d'un château en Espagne ; un pied-à-terre pour un nouvel ami américain ; un placement à durée déterminée en attendant un meilleur parti... C'est peu dire que le groupe créé en 1875 par Ernest Flammarion fait fantasmer depuis que l'Italien RCS, qui l'a racheté en 2000, envisage de s'en séparer pour alléger son imposant endettement. L'Etat français lui-même pourrait, via le Fonds stratégique d'investissement, apporter son soutien financier à une solution nationale. Sur notre site Livreshebdo.fr, les informations sur "l'affaire Flammarion" figurent depuis plusieurs semaines parmi les plus cliquées. Elles sont aussi les plus reprises dans la presse grand public.

Il est vrai qu'après deux années exceptionnelles, avec un taux de rentabilité proche de 12 %, le groupe présidé par Teresa Cremisi affiche de belles couleurs. "La mariée ne sera jamais plus belle", ose même, un rien perfide, un concurrent. Surtout, par un effet de miroirs, l'éventail des possibles aujourd'hui ouverts devant Flammarion élargit brusquement l'horizon de chacun dans l'édition et la chaîne du livre. Il conjure les incertitudes que les tensions économiques et la mutation numérique font peser sur l'avenir du secteur, et lui redonnant même - un peu - confiance. Malgré ou à cause des méventes en librairie, c'est désormais le temps du rêve, facilité par la parenthèse électorale. Et cette atmosphère tranche avec le climat anxiogène qui a le plus souvent accompagné les précédentes opérations de concentration de l'édition en France.

Le retour à la réalité est néanmoins programmé avant l'été. Il est évidemment trop tôt pour dire laquelle. Les offres des candidats à la reprise semblent fort éloignées des quelque 300 millions d'euros espérés par RCS. Et le groupe italien peut tout aussi bien, finalement, renoncer à céder sa filiale.

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