Histoire/France 10 octobre Jean-Claude Daumas

Avant la consommation, il y avait le strict nécessaire. Et encore, pas pour tout le monde. Puis, avec l'avènement de la bourgeoisie au XIXe siècle, vint le confort. Les ouvriers et les paysans finirent, eux aussi, par acheter un peu pour améliorer leur qualité de vie. Ce sentiment de progrès s'émietta au XXe siècle, mais pas l'emploi des choses, si bien qu'au XXIe on passe presque de l'achat pour vivre au vivre pour l'achat. Encore faut-il mettre quelques bémols à cette complainte consumériste en diable, tout le monde, dans ce domaine comme dans d'autres, n'étant pas logé à la même enseigne.

Jean-Claude Daumas (université de France-Comté), qui a dirigé le Dictionnaire historique des patrons français (Flammarion, 2010), raconte cette aventure du bien-être dans le détail. Car ce qui fait l'intérêt de cette vaste étude pluridisciplinaire, c'est la multitude des données et des anecdotes sur les temps passés, sur l'évolution de cette vie matérielle dans les différentes strates de la société et sur la transformation des rapports qu'elle génère entre les classes sociales.

En près de deux siècles, les conditions d'existence de la majorité des Français se sont améliorées, même si les disparités pécuniaires et culturelles subsistent. Les comportements des consommateurs se sont individualisés, responsabilisés aussi en partie. Aussi l'historien de l'économie ne suit-il pas les options d'un Gilles Lipovetski qui voyait dans L'ère du vide (1983) l'émergence du consommateur nomade, instable et futile.

Depuis le second Empire, l'écart entre les consommations des classes moyennes et des classes populaires n'a cessé de se creuser. En fonction de la définition adoptée, la France compte aujourd'hui entre 5 et 8,8 millions de pauvres. C'est moins que dans les années 1970, mais plus que dans les années 1990. L'élévation du niveau de vie pour tous est une chimère. Le rêve des Trente Glorieuses, avec son Salon des arts ménagers, Moulinex qui « libère la femme » et l'automobile à crédit pour circuler dans cette nouvelle ère de l'abondance, est révolu. Mais il n'est pas interdit d'espérer voir autre chose qu'une consommation de survie pour les pauvres et une consommation irresponsable pour les autres. C'est bien ce qui ressort de ce travail scrupuleux d'où se dégage l'idée que la consommation accompagne la démocratisation.

Jean-Claude Daumas
La révolution matérielle : une histoire de la consommation : France, XIXe-XXIe siècle
Flammarion
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 26 euros ; 600 p.
ISBN: 9782081272941

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