4 septembre > Essai états-Unis

Christopher Hitchens (1949-2011) appartenait à ceux que la presse anglo-saxonne avait nommés les « quatre cavaliers du nouvel athéisme », avec Richard Dawkins, Daniel C. Dennett et Sam Harris. Il avait connu un succès planétaire avec Dieu n’est pas grand (Belfond, 2008). Sur les plateaux de télévision, dans les journaux, il débattait avec fougue de sa non-religion, jusqu’à ce que la maladie le terrasse. Certains de ses contradicteurs y ont vu comme une vengeance divine. Mais comment réagit-on lorsqu’on apprend qu’on est atteint d’un cancer - en l’occurrence de l’œsophage - et que l’on n’a pas de Dieu pour témoin ? C’est tout le sujet de ce petit livre qui chemine entre la philosophie, l’essai et la prière pour soi.

Dans cet ultime carnet de route, Hitchens ne donne ni dans le pathos ni dans le pari de Pascal. L’homme désormais couché, affaibli, et pour tout dire mourant, jette ses mots qui prennent la forme d’une confession. Il se dégage beaucoup de dignité de ces quelques pages où l’on aurait tort de vouloir traquer quelques manières de céder à la spiritualité avant que tout ne s’éteigne.

Ce Britannique devenu américain ne fait pas le fanfaron face à la mort. Il s’interroge sur la douleur, sur cette enveloppe charnelle qui se révèle au rythme des prises de sang dans toute sa fragilité. « Je n’ai pas de corps, je suis un corps », répète-t-il à plusieurs reprises. Le philosophe comprend la vacuité de la formule nietzschéenne « tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort » lorsqu’il convoque la douleur physique à la barre des témoins. Cette force-là relève plus du déni que de la réalité.

Vivre en mourant peut se lire comme une réflexion sur la voix - celle qu’il perd à un moment - sur l’écriture et le sens qu’on peut lui donner dans ces moments graves. Ce stoïcien constate aussi l’utilisation des euphémismes dans la médecine moderne où l’on parle d’« inconfort » pour dire souffrance. Une façon d’aseptiser la réalité pour la rendre moins effrayante. Ce dont évidemment Hitchens ne voulait pas. D’ailleurs en anglais, le titre original est bien plus glacial : Mortality. Laurent Lemire

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