Qui se souvient de John Wainwright (1921-1995) ? En France, mis à part quelques érudits plus ou moins historiens du roman noir se souvenant de vieilles « Série noire » ou au Masque des années 1980, pas grand-monde assurément. Pourtant, l'un de ses livres, Brainwash, fut adapté par Claude Miller pour l'inoubliable Garde à vue. Cela ne profita guère à la notoriété de cet invétéré polygraphe, auteur de plus de quatre-vingts ouvrages, après une première carrière l'ayant amené de l'aviation dans la RAF jusqu'à la police. Sa prolixité, sans doute, le desservit, comme l'idée que cet artisan consciencieux ne devait connaître de l'art que ses règles.
Une nouvelle chance est offerte aux lecteurs français de s'en faire une idée plus juste avec la publication d'Une confession, initialement paru en Angleterre en 1984 (suscitant un commentaire très élogieux de Georges Simenon duquel il peut effectivement être rapproché, notamment par le sens inné de la tension narrative et psychologique) et jamais encore traduit.
C'est l'histoire d'un homme qui apparemment n'en a pas, n'en fait pas. John Duxbury, la cinquantaine percluse de décence, responsable d'une entreprise d'imprimerie dont il s'apprête à confier la gérance à son fils, est marié depuis longtemps à Maude, sans très bien se souvenir pourquoi. Le couple ne fait plus très souvent chambre commune et lors d'un voyage d'affaires, pour la première fois, John s'autorise une fugace aventure extraconjugale. Aussi, lorsque Maude trouve la mort lors de vacances à la montagne, le caractère accidentel du décès n'est d'abord pas mis en cause. Jusqu'à ce qu'un témoin surgi de nulle part prétende qu'il s'agissait bien d'un homicide. L'inspecteur chargé de l'enquête va donc tenter par tous les moyens, dans un face-à-face sans cesse plus tendu, de confronter l'honorable John Duxbury à ce qu'il soupçonne être ses mensonges. Mais la vérité est une mauvaise fille qui peut prendre tour à tour bien des visages... A l'arrivée, les brumes des discours des uns et des autres se dissipent, et un paysage nu, désolé, un paysage authentiquement de tragédie se révèle.
Il faut reconnaître à John Wainwright un formidable brio romanesque, qui, outre Simenon, déjà cité, peut aussi l'apparenter à la grande Patricia Highsmith. Pour créer de fascinants effets de réel, son récit alterne la relation des faits par tous les protagonistes et des extraits du journal intime de Duxbury. L'auteur parvient à un degré de vérité où la psychologie a certes toute sa place et où les mots sont les vecteurs premiers de l'affrontement.
Une confession - Traduit de l’anglais par Laurence Romance
Sonatine
Tirage: 5 800 ex.
Prix: 22 euros ; 304 p.
ISBN: 9782355847394