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Librairie : le New Deal du Furet-Decitre

Pierre Coursières, P-DG du Furet du Nord et de Decitre. - Photo Olivier Dion

Librairie : le New Deal du Furet-Decitre

Le groupe né il y a un an du rachat de Decitre par Furet du Nord a engagé une profonde réorganisation pour profiter au mieux de sa nouvelle puissance de feu. Bilan d'étape avec son P-DG, Pierre Coursières. _ par

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Par Clarisse Normand
Créé le 07.02.2020 à 15h07

Depuis que Furet du Nord a repris Decitre il y a un an, le groupe nouvellement constitué est devenu, selon son P-DG Pierre Coursières, « le premier libraire français multi-enseignes. Mais pour que cet ensemble, pesant 150 millions d'euros de chiffre d'affaires, puisse profiter pleinement de sa puissance de feu, il nous fallait engager une importante réorganisation qui se poursuit aujourd'hui ».

Le 30 janvier, le groupe a officialisé le regroupement de ses services supports au sein de son siège social situé à Tourcoing. Les fonctions finances, ressources humaines et achats de l'entité lyonnaise Decitre seront transférées sur le nouveau site du Furet afin d'homogénéiser les pratiques des deux enseignes et de rationaliser les structures.

La librairie lilloise est le vaiseau amiral de l'enseigne Furet du Nord .- Photo OLIVIER DION

Mais la réorganisation du groupe avait déjà largement été engagée : « Notre premier acte fort, après le rachat, a été de brancher Furet.com, qui fonctionnait encore avec du picking, sur l'outil très performant de Decitre, explique Pierre Coursières. Depuis octobre, le site du Furet du nord est piloté par Decitre Interactive. Résultat, il est reparti comme une balle, avec une hausse de 60 % de son activité ! »

Le nouveau siège social, à Tourcoing, compte 2 000 m2 de bureaux et plus de 10 000 m2 d'entrepôt. Il regroupera à l'avenir l'ensemble des fonctions supports et administratives du groupe.- Photo FURET DU NORD-DECITRE

Harmoniser les outils

Dans le même esprit, le groupe est en train de réunir les activités de vente aux collectivités des deux enseignes au sein de Decitre Interactive. L'objectif est de faire profiter la lilloise de l'outil développé par la lyonnaise, « leader national de l'activité B to B avec une part de marché estimée à 10 % », selon le P-DG du groupe.

Pour Pierre Coursières, pas question de maintenir des bouts de savoir-faire dans chacune des deux structures. « Notre stratégie consiste à nous appuyer sur les pôles de compétences existants et à les renforcer là où ils sont. Il s'agit de prendre le meilleur de chaque enseigne et d'en faire profiter l'ensemble du groupe. Comme je vous l'annonçais il y a un an, nous ouvrons une troisième voie consistant à animer, sous une même plateforme industrielle, plusieurs enseignes. »

Deux pôles de compétences

Un an seulement après le rapprochement des deux sociétés, le groupe affiche ainsi une organisation faisant apparaître deux grands pôles de compétences. Le premier, à Tourcoing, sur un site comptant 2 000 m2 de bureaux et plus de 10 000 m2 d'entrepôt, accueille le siège du groupe. Il regroupera sous peu l'ensemble de ses fonctions supports et administratives. Il gère aussi les flux logistiques des 18 magasins Furet du Nord situés dans les Hauts-de-France et en Ile-de-France (les deux points de vente belges de l'enseigne étant approvisionnés, selon le système wallon, par les distributeurs locaux).

Le second pôle, localisé à Lyon, où se trouve Decitre Interactive, a vocation à piloter l'ensemble des activités d'e-commerce et de vente aux collectivités. Disposant d'une plateforme de 6 000 m2, le site gère aussi les flux logistiques des ventes aux collectivités ainsi que ceux des 11 magasins Decitre. En revanche, la logistique du e-commerce est assurée, comme c'était déjà le cas pour Decitre.fr, par un prestataire situé près de Langres, en Haute-Marne.

Rallier d'autres enseignes

Autre activité clé liée au digital, la base de données ORB créée par Decitre reste gérée par Decitre Interactive qui a pour mission de l'enrichir et d'en développer la commercialisation auprès des librairies exterieures au groupe.

Pierre Coursières, accompagné par un actionnariat stable organisé autour de fonds d'investissement régionaux, a désormais l'ambition de « rallier d'autres grandes enseignes de province ». Une façon de nourrir l'activité de ses plateformes et de conforter la nouvelle identité du groupe ainsi que son pouvoir de négociation face à des partenaires eux-mêmes de plus en plus concentrés en amont. « Avec 31 magasins nous assurant une présence incontournable dans plusieurs régions, une activité importante sur internet et auprès des collectivités, nos fournisseurs ont bien compris que nous étions devenus le premier libraire multi-enseignes de France. Les rapports de force ont d'ailleurs évolué. Certes les avancées sont très hétéroclites selon nos marchés, livres et hors livres, et selon nos fournisseurs, mais certaines de nos conditions commerciales ont commencé à s'améliorer. »

Développer des offres complémentaires

Pour renforcer la rentabilité du groupe, Pierre Coursières entend aussi faire profiter Decitre de l'expérience de diversification menée par Furet du Nord et ainsi réduire sa dépendance au livre et à son économie si fragile. « Decitre dépend encore trop du livre qui représente 85 % de son chiffre d'affaires, observe-t-il. L'objectif est de développer, dans cette enseigne, une offre complémentaire en papeterie, jeux jouets ou encore cadeaux, comme nous l'avons fait au Furet, où le hors livre réalise aujourd'hui 40 % à 45 % de l'activité. »

Selon le P-DG du Furet du Nord- Decitre, cette évolution fait sens pour le groupe, car les marges commerciales des activités hors livre sont supérieures à celles du livre, tandis que les clients assure-t-il, apprécient le concept d'offre élargie.

« Nous sommes désormais perçus comme un groupe premium, soutient Pierre Coursières, et à ce titre nous avons vocation à proposer une offre de qualité mais aussi de services en phase avec cette identité. » Considérant que « le livre d'occasion s'inscrit aujourd'hui dans une démarche sociétale dont ne peut s'exclure le premier libraire de France », il entend étendre, dans le réseau Decitre, l'option de rachat de livres développée depuis trois ans au Furet. Moyennant l'octroi de bons d'achat à faire valoir dans l'enseigne, les livres sont aujourd'hui repris puis revendus à un partenaire extérieur mais le groupe réfléchit aux possibilités de les revendre, à l'avenir, au sein de son réseau. Parmi les autres projets envisagés comme des services, l'autoédition pour les auteurs figure aussi en bonne place.

« Ne rien s'interdire »

Le groupe souhaite également poursuivre sa politique de croissance organique. Bien qu'il n'ait « aucune annonce à faire aujourd'hui », le P-DG confirme sa volonté d'ouvrir de nouveaux magasins sous les enseignes Furet du Nord et Decitre. S'il regarde prioritairement les dossiers se situant dans les Hauts-de-France, l'Ile-de-France et la région Auvergne Rhône-Alpes, il assure « ne rien s'interdire ». Son regard se tourne aussi vers la Belgique où Furet du Nord s'est installée il y a deux ans en reprenant deux librairies. « Nous y avons été bien accueillis, observe Pierre Coursières. Et le marché wallon qui est en train de se réguler avec la disparition de la tabelle offre un potentiel intéressant. Tant que les grandes structures de distribution resteront présentes, nous passerons par elles, mais si elles venaient à disparaître avec la fin de la tabelle, nous pourrions approvisionner nous-mêmes nos magasins grâce à notre site de Tourcoing. »

En attendant, le groupe Furet du Nord-Decitre devrait achever son exercice comptable le 31 mars, avec, selon son P-DG, un chiffre d'affaires supérieur d'environ 150 millions d'euros à celui de l'an passé - moins toutefois qu'espéré, en raison d'un mois de décembre pénalisé par « un mouvement général de déconsommation ».

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