19 octobre > Jeunesse Argentine > Isol

Cet abécédaire insolite de l’artiste argentine Isol ne fait rien comme les autres. D’abord il n’associe pas lettres et mots, mais lettres et courtes phrases puisées dans le langage de tous les jours. Par exemple, "Moi, méchant ?" pour la lettre M ou "On y va ?" pour la lettre V. Ensuite l’image, qui raconte une toute petite histoire liée aux émotions ou aux questionnements existentiels, est toujours elliptique et fragmentaire. Jamais elle ne mâche le boulot. C’est un jeu de piste pour l’imaginaire à qui il revient d’inventer l’histoire à partir de détails. Par exemple, la page A associée à la phrase consolatrice "ça arrive, tu sais" montre un petit garçon qui serre précieusement dans sa main un oiseau dont on imagine qu’il est blessé. Seuls indices, des gouttes de sang qu’on croit reconnaître dans les petites traces rouges sur le sol. Ailleurs, la page intitulée "un mauvais jour" évoque un chat qui semble furibard. On pense qu’il vient de rater un oiseau. Seul le jaune du plumage tigré du petit oiseau, qui colore aussi le ventre du chat en pétard, nous permet de faire cette supputation. La saynète est souvent croquignolette comme à la lettre G pour "c’est gentil d’être venu" qui met en scène une chenille réjouie de l’arrivée d’un papillon jaune sur la même branche qu’elle. Mais elle peut aussi être plus sombre comme à la page W pour "Wow" où un personnage a carrément la tête coupée, à moins qu’il ne s’agisse pas d’un personnage, ni d’une tête… Mention spéciale pour l’époustouflante page "Une certaine urgence" où une horde d’animaux se ruent en trombe vers la gauche de la page dans un mouvement graphique d’une puissance extrême. Dans cet abécédaire aussi étonnant qu’émouvant, Isol repousse loin, très loin, les limites du dialogue texte-image. Fabienne Jacob

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