Elvis Costello, né à Londres en 1954 dans une famille d’émigrés irlandais catholiques (son vrai nom est Declan MacManus), n’a rien à voir avec les autres popstars. En est-il une d’ailleurs, lui dont le nom de scène a été choisi par son premier manager, Jake Riviera, Costello étant le nom de jeune fille de sa mère ? Pas au sens commun du terme, en tout cas. La longue et prolifique carrière de ce touche-à-tout, de ce caméléon qui s’est frotté à tous les styles musicaux, de cet érudit des musiques populaires (surtout le blues américain), le démontre à l’envi. Costello est une icône en marge du show-business, une idole pour happy few, qui n’est jamais devenu une vraie star. Et qui s’en fiche, apparemment.
Enfant de la balle, petit-fils d’un papy trompettiste qui lui a enseigné quelques rudiments de piano, ainsi que son goût pour le nonsense, et fils d’un père, Ross MacManus, chanteur dans une formation de jazz-music hall, le Joe Loss Orchestra, il a mené une carrière en zigzags, connu des hauts et des bas, et n’en éprouve aucun regret : "Toutes ces chansons, ces souvenirs et ces fragments d’histoire ne sont que des raisons supplémentaires de nous aimer davantage encore", écrit-il. Car l’auteur de Everyday I write the book (la chanson figure sur l’album Punch the clock, 1983) est aussi un sacré écrivain.
Musique infidèle & encre sympathique n’a donc rien à voir avec les pseudo-Mémoires d’un rockeur sur le retour. C’est un vrai, gros et grand livre, comme en ont écrit quelques autres artistes, très peu : Cohen, Dylan, Patti Smith, Springsteen… Un livre personnel, qui s’ouvre sur l’évocation émouvante de son père, disparu aujourd’hui, et s’achève sur une autre, non sans avoir célébré son bonheur d’être père à son tour, de Matt, l’aîné, musicien lui aussi, et d’une paire de jumeaux, Dexter et Frank, que sa femme, Diana, a trimballés partout en tournée, alors qu’ils n’étaient même pas encore nés.
C’est d’une culture musicale encyclopédique, follement sympathique, extrêmement drôle, plein d’humour et d’autodérision, intello et si british. Jean-Claude Perrier