Au détour de son Microfictions 2018, paru il y a un mois chez Gallimard, Régis Jauffret règle son compte en moins de deux pages au milieu littéraire en imaginant son massacre au fusil-mitrailleur lors de la célébration du prix de Flore dans le café germanopratin éponyme. Le tueur est un auteur dont les trois premiers romans sont passés inaperçus. Son éditeur l’a laissé tomber. Frustration, défoulement, fantasme, qui soulignent les tensions croissantes dans le monde de la littérature depuis que la réduction constante du noyau de grands lecteurs, à l’œuvre depuis quarante ans, a atteint son point critique, que la presse ne joue plus le même rôle prescripteur et que le numérique vient brouiller toutes les cartes.
Constatant la fin d’un écosystème, Livres Hebdo entame cette semaine la publication d’une série d’articles sur les "mutations dans la littérature". En 2017, les ventes de romans ont bien résisté dans un contexte global de recul du marché du livre. Mais cette stabilité repose sur une hausse de 3 % de la production en titres, et même de 6 % pour les seuls romans français. C’est dire l’ampleur de la chute des ventes au titre, qui justifie une réflexion d’ensemble. Un nouveau type d’auteur, proche de l’auto-entrepreneur, émerge. Les littératures de genre sortent de l’ombre et constituent des terrains de jeux pour les écrivains, à l’instar des séries pour les créateurs audiovisuels. Saisie par le blues, l’édition littéraire est confrontée au défi de sa réinvention.
Le 8 mars, à Paris, un débat professionnel permettra de prolonger cet exercice de "macrofiction" avec notamment Olivier Nora, P-DG de Grasset, Cécile Boyer-Runge, P-DG de Robert Laffont, ou Benoît Virot, fondateur du Nouvel Attila. Avec cette initiative, sous le label de "LH forums", Livres Hebdo relance un cycle de rendez-vous professionnels qui seront autant d’occasions de rencontres et d’échanges. Une nouveauté qui sera suivie d’autres au fil de l’année.