Un homme tue parce qu'on lui a mal parlé, un autre poignarde pour un regard, une femme incendie la maison de celui qui l'a ignorée. Non, vous n'êtes pas dans une banlieue chaude du XXIe siècle, mais au Moyen Age ! Bienvenue dans une société rurale, avec ses codes moraux et sa vie fragile ! C'est l'un des aspects les plus novateurs du livre de Valérie Toureille.
Son travail érudit, éclairé par de nombreuses affaires, nous plonge dans un univers qui rompt avec la vision d'une justice médiévale archaïque et expéditive. Certes, la mort est omniprésente, mais la notion de violence est alors réservée au viol et elle est manifeste dans ce long Moyen Age où chacun est armé d'une épée ou d'un couteau. La notion de crime au sens contemporain du terme n'existe pas. Seuls prévalent les codes d'honneur, la parole donnée, une morale qui s'enracine dans la communauté et la tradition. On excuse ainsi l'assassinat sous couvert d'une trahison ou d'un accord rompu.
Maître de conférences à l'université de Cergy-Pontoise, Valérie Toureille nous entraîne avec une belle vigueur dans les subtilités du droit médiéval. De cet examen des archives, elle fait ressurgir la bande des Coquillards fréquentée par Villon ou le procès de Gilles de Rais, au cours duquel le juge devient enquêteur. Elle nous offre ainsi toute la palette des couleurs judiciaires de ce "mâle Moyen Age", comme disait Duby, dans lequel la femme devait trouver sa place en évitant d'être brutalisée.
Le crime révèle la société, le châtiment sa morale. La légende noire d'un Moyen Age sanglant avec des juges monstrueux est ici bien écornée. Nous assistons plutôt à une justice qui tâtonne et invente peu à peu de nouveaux cadres pour les délits, à partir du renforcement de l'autorité royale au XIIIe siècle.
Le diable paraît bien absent des préoccupations de ces juges plus cléments qu'on ne le pense. Pour eux, le premier crime c'est le vol, car il trahit la confiance, porte atteinte à la propriété et rompt avec les valeurs communes. On voit bien ainsi comment le droit "invente" la figure du criminel.
En examinant la société médiévale au travers de ses crimes et de ses châtiments, Valérie Toureille montre la place des arrangements, de la réparation ou du pardon dans une société dont la violence masque la fragilité.