11 septembre > Roman France

Ce voyage-là, ils devaient le faire ensemble. Père et fils enfin réunis. L’un réglant son pas sur celui de l’autre, les deux en quête d’enfance et de résolution. Et puis, la maladie du père a laissé seul, à nouveau en exil, ce fils qu’il n’a pas reconnu et qui venait seulement de le reconnaître… Qu’importe, ce voyage, le plus jeune - devenu et les jambes et le regard de son aîné - le fera donc seul, ou au moins accompagné des souvenirs du vieil homme.

Longtemps, Eric Fottorino s’est cru un peu tunisien. C’est de là que venait l’homme qui en épousant sa mère lui a donné un nom et aussi un peu plus, un bon usage de la vie, de ses plaisirs et de ses exigences. Et puis un jour, quelque part du côté de Toulouse, il s’est découvert marocain. Et un peu juif également, ce qui ne gâche rien. Il fallut pour cela retrouver ce père que l’on dit naturel, comme si la nature avait quoi que ce soit à voir avec cet embrouillamini où l’amour et la biologie jouent à cache-cache. Puisque les deux allaient de pair (de pères ?), il offrit à chacun un livre, également splendide, en manière de reconnaissance de dette. Le premier, ce fut L’homme qui m’aimait tout bas (Gallimard, 2009) ; le deuxième, Questions à mon père (Gallimard, 2010). Le marcheur de Fès, qui paraît aujourd’hui, poursuit, sur des chemins de traverse, la quête identitaire qui était au cœur de ce dernier. Fottorino y traque en flâneur sensible autant qu’en fin limier les traces, dans les rues de sa jeunesse, dans le vieux quartier juif de Fès, de ce Maurice Maman qui fut son géniteur et devient peu à peu son père. Au-delà de l’homme, dans le palimpseste révélé des souvenirs, c’est un monde perdu, empreint d’une paradoxale « nostalgie coloniale », qui revient à la mémoire : les visages oubliés de ceux qui ne sont plus, leur langue, leurs fêtes, leur maison. Leur chagrin, aujourd’hui. Ce monde, l’auteur le saisit, à la pointe sèche, comme tremblée d’émotion et de justesse, un peu avant qu’il ne bascule dans sa nuit. A aucun moment il n’en « fait trop » ; cela, c’est le triste apanage de la vie, oublieuse, et qui tarde tant à réunir les fils avec leurs pères. Pour Eric et Maurice au moins, voilà qui est fait.

Olivier Mony

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