Bien oublié des histoires de l'art, Johannes van der Beeck (1589-1644) fut l'un des artistes les plus singuliers du « siècle d'or » hollandais. Par sa personnalité, ses activités, et son destin funeste.
Extravagant, extraverti, dandy, il menait un train de vie fastueux, qui n'a pas manqué d'attirer sur lui l'attention des bigots et puritains de son pays, ou « prédicants ». Sous son pseudonyme (provocateur) de Torrentius, il peignait des natures mortes « philosophiques », qui ont fait sa réputation. Mais sous son vrai nom et sous le manteau, il exécutait des estampes « mythologiques », c'est-à-dire salacement pornographiques, elles firent sa fortune, et plurent à quelques amateurs dont le roi d'Angleterre, Charles Ier, collectionneur, qui les faisait acheter par l'un de ses commis, et s'institua un temps, heureusement, le protecteur de l'artiste.
Soupçonné d'être un rosicrucien, Torrentius devint vite la bête noire du bailli Velsaert, un fanatique dont les idées et les méthodes n'avaient rien à envier à celle de la célèbre Inquisition espagnole. Velsaert est donc parvenu à le faire arrêter.
Tandis que ses amis, même puissants, se font bien discrets, Torrentius est d'abord accusé d'hérésie et de blasphème pour des propos tenus alors qu'il était ivre. Et puis le magistrat découvre ses gravures : il est désormais accusé d'hérétisme et de paganisme, passé à la Question, en dépit des protestations du stathouder ou du célèbre Frans Hals. Torrentius, quoique devenu infirme, ne cède pas. Tous ses biens seront confisqués, toutes ses œuvres livrées à l'autodafé, l'auteur condamné à vingt ans de prison. Dieu merci, le roi Charles, allié des Provinces-Unies, intervient, et l'invite en Angleterre, où il restera douze ans son peintre officiel, pensionné. Puis vint la désaffection, et Torrentius commit la folie de rentrer chez lui. Dénoncé par le curé de la paroisse de sa mère, pieuse catholique, il sera de nouveau emprisonné par Velsaert, puis pendu.
En ressuscitant ce Torrentius méconnu, dont on ne peut voir qu'une nature morte au Rijksmuseum d'Amsterdam, Colin Thibert, scénariste, auteur de polars et lui-même dessinateur-graveur, a écrit un livre baroque sur le martyre d'un artiste moderne qui a refusé d'abjurer ses idées et sa liberté de penser.
Torrentius
Héloïse d’Ormesson
Tirage: 4 500 ex.
Prix: 15 euros ; 128 p.
ISBN: 9782350875378