Le prix de vente des livres électroniques a déclenché les foudres de la Commission européenne. Elle vient en effet de lancer une enquête pour entente à l’encontre de cinq éditeurs et d’Apple, soupçonnés de s’être concertés et ce, au détriment de la concurrence, comme des consommateurs. L’affaire avait débuté en mars dernier avec les perquisitions de la Direction générale de la concurrence chez de nombreux éditeurs. Rappelons que l'entente peut être définie comme un accord ou une concertation entre plusieurs entreprises. Le risque consiste en une disparité à l'encontre d'autres acteurs économiques, le résultat de telles ententes pouvant être de limiter l’accès au marché ainsi que la liberté de fixation des prix, ou de se répartir le marché ou les sources d’approvisionnement. L’entente peut émaner d’entités très diverses : sociétés, personnes physiques, syndicats professionnels… L’action litigieuse doit résulter d’un accord tacite ou exprès, qui peut prendre la forme d’un contrat, comme de conditions générales de vente, d’échange d’informations confidentielles, d’une société en participation, etc. Le Traité de Rome de 1957 prohibait déjà les ententes en son article 85 (devenu l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). Les seules dérogations concernent les ententes visant à l’amélioration de la production ou de la distribution, au progrès technique ou économique et à l’intérêt des consommateurs et qui n’éliminent pas la possibilité de la concurrence. Diverses réformes récentes ont rendu plus efficace ce mécanisme de régulation, au premier rang desquelles figure un règlement européen, en date du 16 décembre 2002 et en vigueur depuis le 1er mai 2004. Il repose sur un principe d’autoévaluation a priori par les entreprises, le contrôle de la Commission des autorités de concurrence ou les juridictions des Etats ayant lieu a posteriori . Il tend également vers une application décentralisée, en donnant plus de poids aux autorités et aux juridictions nationales. Car, pour que le droit communautaire puisse être pleinement mis en œuvre, l'entente doit avoir une dimension européenne, c’est-à-dire affecter le commerce entre États membres et donc avoir un caractère transfrontalier. Mais la Commission européenne peut choisir de saisir le ministère de l'Économie de l'État concerné ; qui est alors chargé de saisir à son tour l'autorité de la concurrence nationale. En droit français, l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence interdit les actions concertées. Alors que, au niveau européen, c'est la Commission qui prononce les sanctions, en France, le Conseil de la concurrence sert d’organe pivot en la matière et statue en première instance. Les milieux professionnels du livre, aujourd'hui sous le feu de Bruxelles, garderont en mémoire que la Commission européenne s’est opposée à l’entier rachat de Vivendi Universal Publishing par le groupe Lagardère en 2002 (sur le fondement de l'abus de position dominante, qui constitue, en parallèle des ententes illicites, l'autre versant des règles de contrôle de la libre concurrence).