Sur le grand écran, après des années de seconds-rôles chez Jean-Pierre Mocky, Michel Deville ou Orson Welles (en prêtre, forcément), il est "révélé" par François Truffaut dans La mariée était en noir puis Baisers volés. Passant de la comédie (Hibernatus) aux films expérimentaux de son amie Duras, il se soucie peu de sa carrière, qui navigue entre Jacques Rivette (Out 1) et Jean-Luc Godard (British Sounds), entre Georges Lautner (Il était une fois un flic) et Louis Malle (Le souffle au coeur). Il traverse ainsi, avec sa barbe soignée et sa voix posée, les années 1970 en bourgeois ou en pasteur, en magistrat (chez Robe-Grillet) ou en docteur (chez Resnais), en détective (dans Le Chacal de Fred Zinnemann) ou en ministre (dans Section spéciale de Costa Gavras). Michael Lonsdale était éclectique et surprenant, capable de tourner Monsieur Klein de Joseph Losey et un James Bond (Moonraker), être archange Gabriel dans Ma vie est un enfer de Josiane Balasko et abbé érudit dans Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud. La liste est lognue des grands cinéastes internationaux avec qui il a tourné (James Ivory, Claude Sautet, François Ozon, Steven Spielberg, Manoel de Oliveira, Alejandro Amenabar). Son dernier grand rôle, récompensé par un César, fut Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, dans le rôle du réel Frère Luc Dochier, assassiné à Tibhirine.
Des mots et des langues
Lonsdale était aussi un homme de lettres. Il aimait lire (pour la radio), il appréciait narrer des documentaires ("Un siècle d'écrivains", "Marguerite Yourcenar, alcjhimie du paysage"), il prêtait sa voix aux livres audio (de L'étranger d'Albert Camus à l'Odyssée d'Homère, de Miss Marple d'Agatha Christie à Tao Te King de Lao-Tseu).
Il a aussi écrit une vingtaine d'ouvrages en une vingtaine d'années. Il a publié Oraisons chez Actes sud en 2000, puis de nombreux ouvrages autour de sa foi: L’Amour sauvera le monde (Philippe Rey, 2011), En chemin avec la beauté (Philippe Rey, 2012), Jésus j'y crois (Bayard, 2013), Mes chemins d’espérance (Philippe Rey, 2015), Pèlerin à Tibhirine : mon carnet de voyage (Salvator, 2018), Mes étoiles (Bayard, 2018), où il évoque ses recontres avec Césaire, Terzieff, Pérec et Duras, ou encore le plus récent, Viens, Esprit-Saint, en nos cœurs (Philippe Re, 2019).
Sa foi inébranlable, son mode de vie basé sur la lenteur, son immobilité feinte et son goût pour l'ambivalence, lui permettaient d'être le candide et le cynique, l'innocent ou le méchant. Sa vie ponctuée de douleurs (un accident de voiture qui lui a brisé les jambes, un amour pour Delphine Seyrig dont il ne se remettra jamais) l'ont souvent poussé dans le vide de la solitude, que seuls les mots et le jeu savaient combler, tout à sa joie de transmettre son espérance à ses fidèles spectateurs.