Dans le bilan du groupe propriétaire du quotidien Corriere della Sera, RCS Libri est comptabilisée à hauteur de 180 millions d’euros. L’offre de Mondadori est donc inférieure à sa valeur et pourrait même légèrement baisser si les filiales Adelphi et Marsilio, qui ne sont pas détenues à 100% par RCS, étaient rachetées par leurs actionnaires minoritaires, qui utiliseraient leurs options d’achat. Toutefois l’offre pourrait également quelque peu augmenter grâce à une clause qui va tenir compte des résultats de 2015 et de 2016.
La balle est maintenant dans le camp de RCS, dont le conseil d’administration devait se réunir mardi 30 juin pour une première évaluation de l’offre. Les membres du conseil (parmi lesquels l'ex-P-DG de Flammarion, Teresa Cremisi), qui ont été élus il y a deux mois seulement, ont hérité de ce dossier brûlant de l’ancien conseil d’administration, qui avait accepté le principe d’une négociation exclusive avec Mondadori. On verra s'ils décident de changer d’orientation ou s'ils avalisent la stratégie de l’administrateur délégué, Pietro Scott Jovane, qui mise sur la vente de RCS Libri pour réduire l’énorme endettement du groupe (environ 500 millions d’euros) et éviter de demander aux actionnaires une nouvelle augmentation de capital.
Dans l’édition italienne, la perspective d’une fusion entre Mondadori (qui contrôle déjà Einaudi, Piemme, Sperling & Kupfer, Mondadori Electa, Mondadori Education, Harlequin) et Rizzoli est considérée comme une véritable menace au point qu'a été créé l'acronyme "Mondazzoli" pour identifier le nouvel ensemble. Celui-ci pèserait près de 39 % du marché du livre (25 % dans le scolaire, mais plus de 50 % dans le poche), avec une position absolument dominante, loin devant son premier concurrent, le groupe GeMS (Mauri-Spagnol), dont la part de marché est évaluée à 11%.
Le PDG de GeMS, Stefano Mauri, a manifesté à plusieurs reprises son inquiétude, tout comme beaucoup d’autres éditeurs parmi lesquels Inge Feltrinelli et Sandro Ferri. Une cinquantaine d’auteurs dont Umberto Eco, Dacia Maraini, Paolo Giordano, Antonio Scurati, Tahar Ben Jelloun, Thomas Piketty et Hanif Kureishi ont publié de leur côté un appel dans les pages du Corriere della Sera pour tenter d'empêcher la naissance de ce géant de l’édition qui "aurait un énorme pouvoir contractuel vis-à-vis des auteurs, dominerait les librairies, tuerait peu à peu les petites maisons d’édition".
Si le conseil d’administration de RCS accepte l’offre de Mondadori, ceux qui s’opposent à la constitution du "Mondazzoli" n’auront plus qu’à espérer une intervention des autorités de la concurrence.
Pour l'instant, dans un communiqué publié dans la soirée du mardi 30 juin, le conseil d'administration a pris acte de l'offre, qu'il va évaluer, en prenant compte, notamment, de toutes les aspects par rapport à la stratégie globale du groupe.