Le groupe milanais, contrôlé par Silvio Berlusconi à 51% et dont sa fille Marina est l’actuelle présidente, possédait déjà plusieurs maisons d’édition (Einaudi, Piemme, Sperling & Kupfer, Mondadori Electa, Mondadori Education). À celles-ci, il faudra désormais ajouter celles de RCS Libri, c’est-à-dire Rizzoli, Bompiani, Fabbri, Sonzogno et Marsilio. Seul Adelphi ne figure pas dans la vente, car l’éditeur Roberto Calasso a pu racheter le 58% propriété de RCS Libri et retrouver donc son indépendance.
Un rachat maintes fois dénoncé
Ces derniers mois, beaucoup d’éditeurs et de libraires avaient dénoncé à plusieurs reprises la naissance de ce géant de l’édition que tout le monde appelle déjà Mondazzoli et dont le chiffre d’affaires devrait avoisiner 500 millions d’euros. En février, lorsque le groupe milanais dirigé par Maurizio Costa avait dévoilé son offre de rachat, Umberto Eco, Paolo Giordano, Tahar Ben Jelloun, Thomas Piketty, Hanif Kureishi et beaucoup d’autres auteurs avaient souligné les risques de concentration dans un marché affaibli par plusieurs années de recul. Désormais tous les regards des opposants à cette fusion vont se tourner vers l’Antitrust, qui a trois mois pour valider l’opération ou demander des aménagements.
Ces derniers jours, c’était justement autour du risque d’un éventuel avis négatif de l’autorité antitrust que les discussions entre Mondadori et RCS Libri s’étaient bloquées. Pour réduire son énorme dette de quelque 525 millions d’euros et éviter une augmentation de capital avant la fin de l’année, RCS – propriétaire entre autres des quotidiens Il Corriere della Sera et La Gazzetta dello Sport - avait besoin d’encaisser tout de suite, alors que Mondadori aurait préféré attendre les décisions de l’autorité antitrust. Finalement, ce dernier, qui apparemment ne croit pas trop à l’éventualité d’un avis défavorable, a accepté la requête de RCS en échange d’une baisse du prix de rachat, initialement fixé à 135 millions d’euros.
Ce matin, le quotidien La Repubblica propose les premières réactions négatives à l’annonce de la vente de RCS Libri. L'écrivain italien Sandro Veronesi, qui publie chez Bompiani, parle d’“une erreur qui aggrave la situation de l’édition italienne, car cette vente entraîne la constitution d'un énorme groupe sans rival sur le marché”. Nicola Lagioia, lauréat du dernier Prix Strega, le Goncourt italien, avec son roman La ferocia édité par Einaudi, pointe les risques d’absence de concurrence dans les prix littéraires et s’inquiète pour les conséquences sur l’emploi: “Il arrive souvent que de telles opérations soient payées par les employés.” De son côté, Marina Berlusconi parle d’un “investissement sur le futur du pays” et se félicite qu’avec cette opération Mondadori “recommence à se développer”.