Le conseil avait été convoqué suite à l’offre de rachat, avancée le 18 février par Mondadori, concernant la branche Livre de RCS, qui représente 13% du marché du livre de la péninsule et comprend entre autres les maisons d’éditions Rizzoli, Bompiani, Adelphi, Fabbri et Sonzogno. En effet, après plusieurs semaines de bruits, le groupe détenu à 51% par Silvio Berlusconi et dont la présidente est sa fille Marina, a été obligé par la Consob (l’autorité de contrôle des marchés actionnaires) de se manifester officiellement. Selon la presse italienne, Mondadori aurait offert entre 120 et 150 millions d’euros (135 selon les plus renseignés) pour l’ensemble des activités Livre qui, dans le bilan du groupe propriétaire du Corriere della Sera, comptent pour 180 millions d’euros.
Si après cinq heures et demie de discussions, le conseil d’administration d’hier n’a pas pu prendre de décision, c’est parce que les différents actionnaires ne sont pas d’accord sur la stratégie à suivre. Certains seraient tentés d’accepter l’offre de Mondadori afin de réduire la dette du groupe (presque 500 millions d’euros) et éviter ainsi une nouvelle augmentation de capital (pour cela dans le passé RCS a déjà vendu Flammarion et le siège historique du Corriere della Sera à Milan). D’autres actionnaires (par exemple Diego Della Valle ou Urbano Cairo) considèrent en revanche qu’il ne faut absolument pas vendre – et surtout à son principal concurrent – une activité historique qui représente l’ADN du groupe. Sans oublier qu’une décision d’une telle importance peut difficilement être prise par l’actuel conseil d’administration qui est en fin de mandat et doit être renouvelé le 23 avril.
En attendant la suite, dans le monde de l’édition plusieurs voix se sont déjà élevées contre la fusion Mondadori-RCS qui constituerait un groupe représentant environ 40% du marché du livre italien. Une cinquantaine d’auteurs ont publié un appel dans les pages du Corriere della Sera pour empêcher la naissance de ce géant de l’édition qui "aurait un énorme pouvoir contractuel vis-à-vis des auteurs, dominerait les librairies, tuerait peu à peu les petites maisons d’édition". Parmi les signataires, Umberto Eco (qui a également publié une tribune dans Le Monde), Dacia Maraini, Paolo Giordano, Antonio Scurati, Tahar Ben Jelloun, Thomas Piketty et Hanif Kureishi. Même le ministre de la Culture, Dario Franceschini, s’est dit "très inquiet" de l’initiative de Mondadori, tandis que Mauro Bersani, l’ex-premier secrétaire du Partito Democratico, a demandé l’intervention de l’Antitrust et, si cela ne suffisait pas, celle du gouvernement et du parlement. Le rachat de RCS Libri par Mondadori est donc loin d’être acquis.