L e juge E ric Halphen avait quitté la magistrature pour la littérature ; puis il avait rejoint sa corporation d’origine. En intégrant le trio de magistrats qui a condamné Google, le 18 décembre, il a réussi à concilier ses deux amours. Il aura tout de même fallu près de trois ans et demi de procédure, soit la moitié de Sept ans de solitude (Denoël et Folio) pour que la troisième chambre du Tribunal de grande instance de Paris, spécialisée en propriété intellectuelle, finisse par se prononcer (voir jugement du TGI en document pdf à télécharger ). Il faut dire que seuls Le Seuil, Delachaux & Niestlé et Abrams avaient initialement assigné, le 6 juin 2006. Et que, à défaut d’autres éditeurs pour se joindre au procès, le SNE et la SGDL ont bien dû s’y coller les 26 octobre et 1 er décembre suivants. Ce qui a renforcé et ralenti à la fois l’action en justice, chaque nouvel entrant versant son lot d’arguments. Ensuite, il a fallu plaider sur la compétence des juges français. Ce qui fut fait le 16 mars 2007. Puis, l’affaire a été «  retirée du rôle à la demande des parties  », le 5 juin 2008. Signe que la palabre se déroulait, de façon plus feutrée, hors du prétoire. La trêve a cessé le 15 janvier 2009 et chacun a rerédigé de si longues «  conclusions  » qu’elles ne sont lisibles que sur internet… Passons sur la motivation précise du tribunal, qui nécessiteraient une plus vaste analyse, que je réserve à un prochain billet de ce blog, tant chacun a asséné aux juges toutes les théories possibles sur la propriété intellectuelle vue de part et d’autre de l’Atlantique. Notons pour l’heure que plusieurs «  attendu  », tellement… attendus, auraient mérité d’être bien plus développés pour que le jugement fasse véritablement référence. Une raison de se réjouir (hormis le sens même de la décision) ? Le tribunal réussit à se gausser de la notion de «  mobile à agir  », brandie par Google à l’encontre de la SGDL, «  qui sans doute doit se comprendre comme étant son intérêt à agir  ». Et toc, il n’y a pas encore eu meurtre et nous ne sommes pas déjà en cour d’assises ! M ais les récents cocoricos – dignes du supposé débat sur l’identité nationale… - voyant le triomphe du droit d’auteur à la française   (comme si le copyright américain encensait la contrefaçon), sont sans doute prématurés. C ertes , l ’ exécution provisoire des diverses condamnations a été accordée. Quand bien même Google porte le litige devant la Cour d’appel, il doit donc obtempérer à la décision. Et le tout a été assorti d’une astreinte par jour de retard. Las, nul n’a mentionné que, en droit, la suspension de l’exécution provisoire pouvait être demandée par Google – ce qui ne semble d’ailleurs pas dans ses intentions, les chances de succès étant, pour le coup, infinitésimales ; et encore moins que le montant final de l’astreinte à verser est obligatoirement revu par… une autre décision de justice (la troisième chambre ayant précisé que le même tribunal se réservait ce cas de figure). Et le périmètre de cette astreinte est déjà discuté par voie d’avocat (et de presse). Le conseil de Google estime en effet qu’elle ne concerne qu'une liste d’environ 300 ouvrages mentionnés dans un constat d'huissier au début de la procédure, en date du 5 juin 2006, et que son client les a retirés depuis belle lurette. A moins d’un miraculeux rapprochement, le clap de fin de la saga Google n’est donc pas pour demain. Il reste de nombreux épisodes à tourner au Palais de justice. Moteur (de recherche) !
15.10 2013

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