Vingt ans après la précédente, c’est peu dire que la nouvelle édition du Dictionnaire bilingue de l’édition était attendue. Certes, quelques exemplaires des précédentes éditions, précieusement conservés par leurs détenteurs, subsistent encore dans les bureaux de certains éditeurs. Cependant, après vingt ans d’un bouleversement sans précédent du secteur, ils ne répondent plus totalement aux besoins de professionnels confrontés de surcroît à une internationalisation croissante de leurs métiers. Bien sûr, en français, Kindle se traduit par… "Kindle", et on n’est pas absolument obligé de dire "livre électronique" pour ebook. Mais le numérique et plus largement les nouvelles technologies ont secoué si profondément l’édition, avec des conséquences dans les sphères éditoriale, technique et juridique aussi bien que financière et marketing, qu’une révision de son vocabulaire français comme anglais s’imposait pour faciliter le déploiement des stratégies des éditeurs français dans l’industrie mondialisée du livre.
On mesure difficilement aujourd’hui le caractère précurseur de l’initiative prise dès 1977 par Philippe Schuwer (1930-2009) de produire un dictionnaire français-anglais et anglais-français spécialisé dans le vocabulaire de l’édition, dont il publiera encore une deuxième édition en 1993. A une époque où la pratique de l’anglais restait très minoritaire dans le secteur, cet éditeur d’une extrême curiosité, passionné et attachant, passé par les Puf, Tchou, Hachette, Larousse et Nathan, en avait senti la nécessité à partir de ses expériences dans la fabrication et dans le livre illustré, plus tôt confronté aux impératifs des coéditions internationales. S’appuyant sur sa connaissance encyclopédique du secteur, il a conçu un ouvrage de plus de 400 pages balayant l’ensemble des métiers, répertoriant en français et en anglais des milliers de termes souvent très techniques, de polar, encartage et quadrichromie à notule, teneur en eau et rotation du stock.
L’éditeur, qui fut également formateur, "avait fait un travail colossal sur la nomenclature", s’émerveille sa fille, Martine Schuwer, qui a repris le flambeau et cosigne, après deux ans et demi de travail, la troisième édition. Forte de ses compétences de linguiste et de lexicographe, cette angliciste, professeure à l’université de Rennes 2, lui a apporté, dit-elle, "une rigueur lexicographique et des ajouts liés à l’évolution de l’édition". Sur le plan lexicographique, "nous avons réorganisé les entrées, et l’ensemble correspond mieux aux normes", explique-t-elle. Les différentes formes d’utilisation d’un même mot, dont est précisée la catégorie grammaticale, ont notamment été rassemblées.
Eplucher les journaux
En parallèle, potassant "chaque page" du Dictionnaire encyclopédique du livre et des divers manuels professionnels publiés par les éditions du Cercle de la librairie, épluchant Livres Hebdo, Publishers Weekly et même quelques journaux grand public et des sites professionnels de marketing, Martine Schuwer a considérablement enrichi le corpus de données à la lumière des nouvelles technologies, en particulier dans les domaines de l’epublishing, de la diffusion et de la distribution, du commerce électronique ou même du prêt numérique. Cela ne l’a pas empêché de tenir compte du fait que "les éditeurs français emploient beaucoup de termes anglais tels quels". "Le temps de la chasse aux anglicismes est un peu passé, estime-t-elle. Quand on est linguiste, on regarde l’état de la langue et on s’adapte." Certains termes anglais sont ainsi repris en français comme chick lit, fantasy ou encore dark fantasy."Dans de très rares cas, précise Martine Schuwer, on a alors mis des termes explicatifs."
Nota : les éditions du Cercle de la librairie et Livres Hebdo sont tous deux des départements d’Electre.
Dictionnaire bilingue de l’édition/ Bilingual dictionary of book publishing, français-anglais, english-french, 3e édition, par Philippe Schuwer et Martine Schuwer, éditions du Cercle de la librairie, 403 p., 42 €. ISBN : 978-2-7654-1441-4. Paru le 13 octobre.