"Mon seul espoir réside dans le dépôt d'Ivry, mais vont-ils pouvoir faire face à la demande ?" JULIE BEAUPARLANT-ROUTIER, LIBRAIRIE PLUME, BLAIN- Photo PLUME

Une perte de souplesse" pour Dominique Fredj de la librairie Le Failler à Rennes, qui a recours au dépôt pour se dépanner sur les best-sellers ou lorsqu'il a besoin de réassorts ultrarapides ; une "catastrophe" pour Julie Beauparlant-Routier, qui a ouvert en juin dernier sa petite boutique Plume, 35 m2, à Blain (39 km au nord-ouest de Nantes) et qui s'y approvisionne essentiellement : la prochaine fermeture de l'antenne nantaise de Livre Diffusion provoque interrogations, amertume et inquiétude chez les libraires de l'Ouest. "J'ai une petite structure fragile, vulnérable au moindre changement", explique ainsi Julie Beauparlant-Routier, qui redoute la mise en péril de l'équilibre économique de sa boutique. Plus de la moitié de son stock provient en effet du dépôt, où elle se rend tous les jeudis matin pour récupérer ses commandes - passées auparavant par Dilicom -, flâner dans les allées pour voir les nouveautés et apporter ses éventuels retours.

N'incluant pas les coûts de ces trajets dans sa comptabilité, elle gagne ainsi sur le transport. Ce poste va pourtant s'alourdir fortement avec la fermeture de la salle des ventes, vu le test qu'elle a mis en place en septembre avec Prisme et Editis, et qui lui a coûté 260 euros, dont 110 pour l'abonnement à la plateforme interprofessionnelle. Cette charge mensuelle supplémentaire, elle ne sait comment la financer. En passant directement avec les distributeurs, sa marge brute risque en effet de se contracter. De 32 % chez Livre Diffusion, sa remise tombe, par exemple, à 30 % avec la Sodis, qui a bien voulu lui ouvrir un compte, contrairement à Volumen où on lui a opposé un chiffre d'affaires trop maigre et l'obligation d'accepter les offices. "Mon seul espoir réside dans le dépôt d'Ivry, mais vont-ils pouvoir faire face à la demande ?" s'interroge la libraire, qui craint alors pour ses délais.

S'APPROVISIONNER À LA FNAC

A Nozay (45 km au nord de Nantes), la situation est encore plus tendue pour Sophie Provost et sa Bulle de 30 m2. Pas informatisée, elle ne sait pas du tout comment elle procédera après la fermeture de Nantes. "Je vais finir par aller m'approvisionner à la Fnac", ironise la trentenaire, qui voit deux années et demie d'efforts pour faire vivre sa librairie en milieu rural menacées par une logique qui la dépasse. "Pour que nos voix portent haut et fort", explique-t-elle, Sophie Provost a décidé d'adhérer à l'association régionale des libraires indépendants.

Plus loin, la situation est tout aussi délicate. Camille Hacquard, créatrice des Vieux livres, quasi vingt ans d'existence à Châteaugiron (124 km de Nantes), a des comptes ouverts partout mais continue à passer ses commandes via Livre Diffusion Nantes, malgré l'instauration des frais de port en début d'année. "J'y gagne en remises et en délais, qui sont de 24 à 48 heures, et j'ai un service humain et de proximité. Je ne retrouverai pas tout cela à Ivry." Pour autant, passer en direct par les distributeurs ne la satisfait pas non plus. "Si je veux limiter les coûts de transport, je ne m'offre plus qu'une livraison par semaine par Prisme, autant dire que je vais largement y perdre en réactivité", constate Camille Hacquard. L'équation se corse encore lorsqu'il s'agit de petits éditeurs ou diffuseurs, tels Daudin ou Pollen. La distribution par le dépôt de Nantes permettait de mutualiser ces commandes, souvent à l'unité et pour les collectivités. "Que faire pour ces livres maintenant ? Attendre d'en avoir plusieurs en commande ou les faire venir un par un ?" s'interroge la libraire, qui cherche encore la réponse.

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