19 mars > Patrimoine France

"Naples est la ville du sang. […] Le sang coule comme l’argent et la parole", écrit Véronique Bruez, qui y a vécu cinq ans, dans son récit Naples allegro con fuoco (1). Comment s’étonner, alors, que les Napolitains se soient choisi comme saint patron san Gennaro, évêque de Bénévent qui aurait subi le martyre en 305, sous les persécutions de Dioclétien ? Gennaro, Janvier en français, qui vient du latin Januarius, lui-même dérivé de Janus, le dieu bifrons, gardien du seuil de la maison, indicateur de la paix ou de la guerre, sert d’emblème à cette ville grouillante de vie constamment sous la menace du Vésuve.

Mille ans après, le roi français de Naples Charles II d’Anjou offrait à saint Janvier son busto en argent constellé de pierres précieuses, renfermant un morceau de son crâne et, à l’emplacement du cœur, deux ampoules de verre censées contenir des restes de son sang, lequel se liquéfie miraculeusement trois fois par an, le premier dimanche de mai, le 19 septembre et le 16 décembre. Lors d’une procession solennelle et populaire, les Napolitains honorent leur saint, implorent sa bénédiction - ou le maudissent si le miracle tarde, voire s’il n’a pas lieu. A Naples, la foi est excessive, convulsive, comme tout le reste, et le paganisme jamais très loin.

Ce rituel a été codifié dès 1527, par un acte notarié qui officialise le vœu de la ville envers san Gennaro, sous la seule autorité d’une institution autonome, la Députation, composée de douze membres et qui ne rend de comptes qu’au pape. Un cas unique, qui perdure encore aujourd’hui.

C’est grâce à sa Députation que le trésor de la chapelle de San Gennaro vient prochainement à Paris, au musée Maillol (2), du moins en partie, mais de manière significative pour que le public français se familiarise avec cette histoire ou se la remémore. Cet "alléluia du sang" si latin, dont parle l’écrivain Jean-Noël Schifano, et qui montre "Naples tout entière dans la crudité de sa chair", selon les mots de Patrizia Nitti, directrice artistique du musée Maillol, et - surtout - napolitaine elle-même.

Plus qu’un simple catalogue, Le trésor de Naples est un recueil d’essais inédits célébrant cette ville unique, comme un millefeuille de civilisations.

J.-C. P.

(1) Gallimard, collection "Le sentiment géographique", mise en vente du 27 février.

(2) Exposition du 19 mars au 20 juillet 2014.

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