Écriture thérapie. « Vraie fiction ou fiction vraie, on écrit toujours à partir de soi », déclare l'autrice belge Nathalie Skowronek. Elle délaisse cette fois le roman (Karen et moi, Arléa, 2011, La carte des regrets, Grasset, 2020, Prix de littérature de l'Union européenne) pour retracer une expérience intense. « Se souvenir, c'est déjà réinventer. » Il y a quelques années, elle est contactée par Les Saules, nom poétique d'un centre de jour pour adultes en difficulté psychiatrique. « Un lieu où peindre, écrire, chanter redonnerait une direction à ceux qui n'en ont plus. » Elle est sollicitée pour y animer des ateliers d'écriture. Surprise, Nathalie Skowronek accepte pourtant d'emblée. « Les Saules se déploient jusqu'à former sinon une famille, du moins une petite communauté. » Très différents les uns des autres, ses élèves forment un groupe soudé et désirent se livrer. L'autrice fait appel à ses repères littéraires pour leur offrir une boussole : Moby Dick, L'étranger, Ionesco ou Virginia Woolf. Ces accidentés de la vie nous interrogent sur la possible chute de chacun de nous. Qui est « normal », qui est « fou » ? Van Gogh évoquait déjà cette « société inadaptée à accueillir ses marginaux ». Là, ils peuvent enfin s'exprimer. L'animatrice en est touchée. « Je nous vois, eux, moi, chacun avec nos moyens, essayant d'exister malgré tout... » Mais ils ne soupçonnent pas à quel point ils la renvoient à ses vertiges. « Qu'avais-je donc à me dire que je ne voulais pas entendre ? J'étais encombrée de moi-même. » Un complexe d'infériorité qui l'amène à s'interroger sur sa place dans le monde, dans la littérature. Écrire oui, mais pour qui, pourquoi ? « C'est d'abord un tête-à-tête violent, douloureux avec soi-même. » Tant de peurs l'envahissent. Elle qui veut tout contrôler a l'impression de perdre pied. Son image lisse se fissure et bientôt l'armure se fend sans prévenir. Alors qu'elle soutient que « ta peine est ton trésor », elle est renvoyée à ses propres fragilités. « Comme s'il était juste de me renarcissiser sur leurs souffrances. La solitude des Saules pour combler la mienne. » Josée, Mathias, Julia, Nour, Lina, Pierrot, Jimmy et Clémence aspirent tous à une renaissance, mais Nathalie Skowronek parviendra-t-elle à « apprendre à perdre » ? Digne et pudique, cette mise à nue nous encourage aussi à faire tomber nos masques.
La voix des Saules
Grasset
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 17 € ; 176 p.
ISBN: 9782246835806