Entretien

Nicolas d’Estienne d’Orves : « Avec Les sept péchés capitaux, j'ai l'impression de sortir de ma chrysalide »

Outre son attrait pour l'écriture, Nicolas d’Estienne d’Orves est passionné par la musique et le cinéma. - Photo Pascal Ito

Nicolas d’Estienne d’Orves : « Avec Les sept péchés capitaux, j'ai l'impression de sortir de ma chrysalide »

Après 25 ans de carrière, Nicolas d’Estienne d’Orves s’attaque aujourd’hui à un projet d’envergure : publier, à raison d’un livre par an, une série de sept ouvrages consacrés aux sept péchés capitaux. L’auteur débute sa saga avec L’île de l’orgueil à paraître le 26 février prochain. Il s’est entretenu avec Livres Hebdo pour l’occasion.

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Par Adèle Buijtenhuijs
Créé le 21.02.2025 à 14h19

Livres Hebdo : Vous publiez chez Albin Michel le 26 février une saga de sept romans baptisée Les sept péchés capitaux dont les parutions s’étaleront sur plusieurs années. Quelle en est l’origine ? 

Nicolas d’Estienne d’Orves : J’ai publié 35 livres en 25 ans de carrière, explorant presque tous les genres littéraires à l’exception de la poésie. J’ai une envie et un besoin constant de nouveauté, je développe une espèce d’allergie à la routine, je déteste refaire ce que j’ai déjà fait. Avec ce projet, je souhaitais me lancer dans un travail assez dense et ambitieux.

J’ai toujours été fasciné par les grandes séries du XIX​e siècle. J’aime aussi les œuvres hybrides, à la croisée des genres, comme celles de Daphné du Maurier. Alors, j’ai imaginé une grande saga qui mélange à la fois le fantastique, le huis clos ou le roman d’anticipation, autour des sept péchés capitaux. Bien qu’ancrés dans un imaginaire religieux, ces thèmes résonnent universellement.

La luxure, l’orgueil, la gourmandise… Ce sont autant de travers, de névroses, que chacun traverse au moins une fois dans sa vie. Ce sujet constitue donc, selon moi, une porte d’entrée romanesque absolument passionnante. D’autant que l’intrigue ne se limite pas à la France, elle s’étend à l’échelle mondiale. Le récit se nourrit également de nombreuses références cinématographiques, d’où la grande importance accordée au lieu et au décor. 

Comment s'articuleront les ouvrages ?  

Chaque roman, d’environ 300 pages et publié sur six ans à raison d’un par an, peut être lu indépendamment, dans n’importe quel ordre. Mais l’ensemble (constitué de sept volumes, ndlr) conserve une cohérence : les histoires se répondent, certains personnages réapparaissent en arrière-plan d’un tome à l’autre. C’est une sorte de jeu de piste, à la manière d’Honoré de Balzac ou d’Émile Zola.

La série s’ouvre le 26 février avec un premier volume consacré à l’orgueil. Celui-ci met en scène un écrivain raté qui échange sa vie, son destin, sa famille, ses proches avec un écrivain à succès. Il pense pouvoir tout contrôler, mais évidemment, l’histoire se termine mal pour lui. D’ici un an, paraîtra le deuxième tome, dédié à la luxure, dont j’ai terminé le premier jet il y a quinze jours. Mais il reste encore un gros travail à accomplir. 

Qu’est-ce qui a motivé votre envie de vous lancer dans cet univers ?

J’avais besoin de nouveauté, de me réinventer. Ma vie personnelle a beaucoup changé ces derniers temps, et cela s’est naturellement reflété dans mon travail. C’est d’ailleurs pour cette raison que, pour la première fois, j’ai signé sous le nom de Néo. C’est un pseudonyme familier, car tout le monde m’appelle ainsi, mais il prend ici une résonance particulière : Néo signifie nouveau, ce qui colle parfaitement à cette aventure.

Avec ce projet, j’ai l’impression de sortir de ma chrysalide, c'est comme une cure de jouvence. Je m’efface complètement derrière cette saga. Cela ne signifie pas pour autant que j’abandonne mon vrai nom : j’ai d’autres contrats en parallèle avec différentes maisons d’édition, pour lesquelles je continuerai à écrire sous mon patronyme.

Quelle est votre méthode de travail habituelle lors de l’élaboration d’un livre ?

Je fonctionne de façon très méthodique, scolaire, à l’image d’un scénariste qui s’appuie sur des storyboards. Avant de me lancer, j’ai besoin d’établir un plan extrêmement détaillé de l’intrigue, de mes personnages : j’ai besoin de savoir précisément où je vais, sinon je me perds. Ici par exemple, les sept romans ne sont pas tous écrits, loin de là, mais toutes mes histoires sont prêtes.

Contrairement à certains de mes proches ou de mes amis auteurs qui peuvent écrire sans avoir une vision précise de la fin, je trouve cela impossible. J’ai déjà tenté cette approche, mais arrivé à la moitié, je me suis rendu compte que je m’étais complètement égaré. J’ai l’impression de travailler comme une fourmi : minutieusement et avec rigueur. Mais c’est aussi ce qui me passionne. L’écriture est un plaisir, bien sûr, mais la construction d’une histoire l’est tout autant. 

Et pour une série d’une telle envergure, avez-vous conservé la même approche ? 

Pas tout à fait. Cela fait deux ans que je travaille sur cette série, tout en jonglant avec d’autres projets en parallèle. Mon bureau est rempli de post-it avec des flèches dans tous les sens, on se croirait dans Usual Suspect ! Ici, la phase préparatoire est essentielle, dense, mais aussi particulièrement stimulante. J’ai toujours aimé construire mes histoires, mais d’ordinaire, écrire un livre revient pour moi à bâtir une maison. Cette fois, j’ai l’impression d’ériger tout un village !

Autre différence majeure : mes précédents livres nécessitaient un important travail de recherche historique, un aspect que j’adore. Mais ici, je navigue dans la fiction absolue, je crée des lieux qui n'existent pas, mon décor est planté dans l’époque contemporaine où l’intrigue doit être mise en valeur. C’est un véritable défi pour moi qui suis un « homme du passé » qui aime les mots et le monde d’avant. Mais en écrivant un roman contemporain, voire même parfois d’anticipation, je m’affranchis de mes codes habituels et repousse mes propres frontières d’écriture.

Comment propose-t-on un projet d’une telle ampleur à des éditeurs ?

Ça a été assez simple. Je suis chez Albin Michel depuis 2011, ils me connaissent bien ; c’est presque comme une deuxième famille. Tout s’est fait avec beaucoup de fluidité et de souplesse. Globalement, le projet a suscité de l’enthousiasme, ce qui ne m’étonne pas : Albin Michel est une maison qui aime relever des défis, explorer de nouvelles idées et surtout, prendre du plaisir à surprendre ses lecteurs.

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