Depuis son premier recueil de nouvelles, Maison d’été, plus tard (Albin Michel, 2001), la Berlinoise Judith Hermann est considérée comme l’une des plus brillantes nouvellistes de ce temps. Aussi, après une incursion du côté du roman (Au début de l’amour, Albin Michel, 2016), la parution de son nouveau recueil, Certains souvenirs, était-elle attendue par son club un tantinet "happy few" de lecteurs français avec une impatience mâtinée d’un soupçon de crainte - "cela sera-t-il aussi bien que l’on peut l’espérer ?".
Quelque part dans une communauté vaguement hippie, une femme attend le retour de son amant. Vingt ans après avoir partagé un appartement, Ada et Sophia se retrouvent. L’une est devenue actrice, l’autre photographe. Dans la file d’une caisse de supermarché, Rose reconnaît, dans la femme bouffie qui la précède, Elena, fleur de pavé qui, voici longtemps, illuminait de sa beauté le café où elle travaillait. Une femme doit laisser ses enfants malades à la garde d’un ami trop attentionné le temps de passer un entretien d’embauche. Iris se souvient de son amie Martha, de leur jeunesse, de ce voyage en commun entrepris entre Amérique et Antilles et de comment il prit brusquement fin. Dans la nouvelle qui donne son titre au volume, une jeune femme en partance pour un séjour au lac d’Iseo fait ses adieux à sa propriétaire à qui ce lac rappelle certains souvenirs…
Certains souvenirs, c’est ça. Comme la rencontre inattendue, magnifique et un brin inquiétante de Marguerite Duras et de David Lynch. Chacune des dix-sept histoires, qui n’en sont en fait pas vraiment, composant ce recueil sont autant de moments que la mémoire voudrait fixer sans jamais y parvenir. Il n’y a là qu’amour, rencontres et mystères. Le fantastique est celui du quotidien passé au tamis des souvenirs. La peur est le petit fantôme qui accompagne chacun. La vérité sort souvent de la bouche close des enfants. C’est très beau et, finalement, parfaitement flippant. Ce sont nos vies et rien d’autre. O. M.