Invité de la manifestation "Arménie-Arménies" : Terre, diaspora de littérature qui était organisée du 17 au 21 octobre dernier par le CNL, Denis Donikian publie dans la foulée le très remuant Vidures. Son premier roman inscrit au catalogue d'Actes Sud, après quatre titres parus chez Publisud entre 1995 et 2003. Le dénommé Gam' urine sur les fourmis chaque matin à heure fixe, posté sur une butte qui domine "Erevan'». La "monstrueuse Ville" avec ses tours et ses échafaudages, ses "serres de métal et de béton".
Le héros de Vidures habite une baraque aux murs de laquelle sont suspendus deux portraits : l'un du Christ, l'autre de Staline. Son ordinaire, il part le dégoter dans la décharge, armé de ses bottes maculées de suie, de son crochet et de son sac. Nous sommes sous le nouveau régime. Dans un pays où l'argent manque, dont les présidents ont successivement été rebaptisés le "Lettré", le "Cobra" et le "Samouraï" par les "geignards de l'Indépendance".
Ce jour-là, Gam' croise sur sa route un cortège mortuaire qui se rend lentement au cimetière. L'enterrement pourrait bien être celui de sa mère, Anna Ananian', dont on dit qu'elle avait un fils disparu sans laisser de traces. Abrasive, excessive et poétique, la prose de Donikian charrie les images et bouscule les phrases à mesure qu'elle avance.
Pour reprendre les mots de Myriam Anderson, son enthousiaste éditrice chez Actes Sud, voici donc un texte, aussi important par son propos que singulier dans sa forme, "qui bouge, qui fait du bruit, qui menace parfois d'exploser, bref qui vit très fort".
