Norbert et Sylviane Lecœur, lui "artiste culinaire", elle on ne sait pas trop, si ce n’est qu’elle est fan de Corneille, arrivent un triste jour à Saint-Eloi, petit village d’Auvergne en proie, comme tant d’autres, à la désertification. Ils sont venus enterrer la grand-mère de la jeune femme, la Morte, qui tenait un café-restaurant. Quoique accueillis, au début, avec méfiance par les autochtones, ces "jeunes étrangers", doublement suspects donc, décident de rester, de s’installer, voire de reprendre vaguement le bistrot familial, lorsque Norbert veut bien se mettre aux fourneaux et préparer sa délicieuse cuisine. Sylviane, elle, ne dit rien, passe son temps à bouquiner au lit. Les Eloisiens ne pouvaient deviner que ces Lecœur allaient bouleverser à jamais leurs tranquilles existences, pour leur plus grand bonheur.
Quatre enfants naissent. Pulchérie, l’aînée, une fille de caractère, délurée, bagarreuse, qui va prendre en main la fratrie, avec l’aide de tous les braves villageois, tout en ménageant ses amours (elle s’éprend du grand, beau, riche et fainéant Rodolphe, fils d’un patron local, et finira par l’épouser) et en se consacrant à sa passion : majorette. Au fond d’elle-même, elle est persuadée qu’elle deviendra artiste, et que son avenir ne se jouera pas à Saint-Eloi. Mais elle n’en dit mot, prenant soin de Martian, le "voleur d’existences" sauvage, qui somatise les malheurs des autres, Nicomède, violent mais protecteur, qui suppléera bientôt son père en cuisine, et Albiane, qui dialogue avec la Morte.
Les parents, eux, se mettent de plus en plus en retrait, sortant à peine de leur chambre. Jusqu’au jour où, lorsque Pulchérie atteint ses 18 ans, ils disparaissent même définitivement, sans une explication. La vaillante jeune fille adopte ses frères et sœur, se marie avec Rodolphe, et ils s’enfuient à leur tour. Seul Rodolphe reviendra, piteux, attendre en vain, au sein de la tribu, le retour très hypothétique de Pulchérie. Laquelle, sous son nom de scène de Sasha, est vraiment devenue comédienne. Le temps passera, et elle ne donnera qu’une fois de ses nouvelles, à sa façon. On n’en dira pas plus.
Cette histoire déjantée, pleine de surprises, de rebondissements, aux personnages attachants, fait irrésistiblement penser aux fameux romans que Daniel Pennac a consacrés à sa famille Malaussène. Ce qui ne veut pas dire que Nathalie Sauvagnac ait "copié". Juste une parenté d’inspiration, un goût pour le farfelu et les comédies humaines positives. Ça ferait un film épatant. J.-C. P.