3 novembre > roman France > Pierre Luccin

"Il somnolait dans sa bannette. Le soleil, l’Hudson grouillant de paquebots, les gratte-ciel, lui redonnèrent l’amour de son bateau. Peut-être avait-il aussi une sorte de goût des combats inutiles. Il pensait à Rio, à Sydney, à Shanghai qu’il ne verrait jamais s’il mettait sac à terre. Richard resta neuf ans sur ces navires."

Il s’appelle Richard Castanier. Il a 16 ans. Il veut parcourir le monde et d’abord fuir les rivages de l’enfance et d’une France provinciale déjà endormie. En ces Années folles qui s’ignoraient comme étant aussi un entre-deux-guerres, ce sera Paris, Londres, des tentatives avortées dans la restauration, avant le grand départ un jour d’un quai de Dieppe vers "la mélancolie des paquebots", les cinq continents, l’amour des femmes et les filouteries de la vie. Sur les bateaux, petit marin en smoking, Richard grandira, vieillira, se perdra et se retrouvera.

Le marin en smoking est l’un des cinq romans, peut-être le plus vif, le plus allègre jamais écrits par Pierre Luccin (1909-2001). C’est son histoire, Luccin ayant longtemps travaillé sur les grands transatlantiques durant les années 1930 (il réchappera assez miraculeusement de l’incendie du Georges-Philippar lors duquel périt Albert Londres) avant d’entrer en littérature dix ans plus tard. Il était à craindre qu’il ne soit oublié. Félicitons les bordelaises éditions de l’Eveilleur d’exhumer ce texte parfaitement emblématique de sa manière, élégante et désinvolte, où se perçoivent des échos d’Henri Calet ou du premier Morand. Quelque chose en tout cas de très paradoxalement moderne.

Olivier Mony

Les dernières
actualités