Jeunesse

Depuis dix ans, la très discrète Odile Josselin dirige Pastel, une petite maison bruxelloise qui appartient à 100% à L’Ecole des loisirs. Avec son équipe de quatre personnes, elle publie une trentaine d’albums chaque année et veille avec bienveillance sur cette pépinière d’artistes belges qu’avait créée Christiane Germain en 1988.

Après avoir découvert la chaîne du livre à l’IUT Métiers du livre de Bordeaux, Odile Josselin a commencé sa carrière dans l’édition scolaire chez Bordas (1989-1990), puis chez Didier comme assistante de Michèle Moreau, qu’elle a accompagnée en 1993 quand cette dernière a développé "discrètement" un département jeunesse. "J’étais ravie, se souvient-elle. Ce qui me plaît dans les livres pour la jeunesse, c’est le rapport à l’enfance. Comme les enfants, je pose un regard candide sur les histoires."

De Clermont à Bruxelles

Odile Josselin n’est pas belge, mais originaire de Clermont-Ferrand. "C’est la BD qui nous a fait venir à Bruxelles", raconte-t-elle. Elle y suit son mari en 2001, Sébastien Gnaedig, alors recruté par Dupuis, et aujourd’hui directeur éditorial de Futuropolis. Prévenue d’emblée qu’il n’y a pas de travail en Belgique, elle commence par travailler bénévolement pour l’association Ibby (Union internationale pour les livres de jeunesse). En 2002, un poste d’assistante éditoriale se libère chez Pastel et elle apprend tous les aspects du métier aux côtés de Christiane Germain, du suivi éditorial à la vente de droits.

Au fil du temps, la maison a constitué un catalogue vivant d’auteurs aussi prestigieux qu’Elzbieta ou Mario Ramos, des "artistes qui savaient ce qu’ils racontaient", et d’albums importants comme Devine combien je t’aime de Sam McBratney, illustré par Anita Jeram, Le voyage d’Oregon de Rascal, illustré par Louis Joos, ou les ouvrages illustrés par Jeanne Ashbé. "Jeanne Ashbé me fascinait : elle proposait aux bébés des livres qui n’avaient pas l’air de livres pour bébés, et qu’ils adoraient", s’enthousiasme-t-elle, soulignant: "La grande force de la maison est de faire des livres d’auteurs, avec un grand souci de la qualité graphique, sans museler la création".

 

Des auteurs fidèles

Quand Christiane Germain part à la retraite en 2008, Odile Josselin prend naturellement sa succession, adoptant la même simplicité. Elle réussit à construire une relation de confiance: "Les auteurs belges sont très directs et m’ont demandé comment je voyais les choses. Ils sont restés fidèles." L’auteur-illustrateur Emile Jadoul explique: "On ne recherche pas chez Odile ce qu’on trouvait chez Christiane. Mais la liberté sensationnelle et la qualité de la maison sont toujours là." Pour autant, Odile Josselin sait ce qu’elle veut et a une idée bien précise de ce que doit être un livre jeunesse. "Une belle histoire ne suffit pas. Il faut un sens plus profond, savoir pourquoi on tourne la page, pourquoi on va relire le livre. Les enfants ne poursuivent pas la lecture s’ils s’ennuient. Comme eux, je peux croire n’importe quoi mais il faut que ce soit bien fait", précise-t-elle.

"Odile a un regard très acéré. Sur mon dernier projet, elle a fait deux ou trois petites remarques qui font que le livre va plus loin que là où je l’avais amené. C’est ce qui fait la richesse de la relation entre un éditeur et un auteur", confirme l’auteure-illustratrice Catherine Pineur. Penser le livre tel qu’il sera, étape par étape, réfléchir au contenu pour "être au plus proche de ce que les auteurs ont à raconter de personnel", telle est la méthode d’Odile Josselin: "Le travail éditorial m’a permis d’approfondir les convictions que j’avais", confie-t-elle.

De nombreux prix

Les titres publiés aux débuts de la maison se vendent encore et Pastel a cumulé les récompenses, lauréat à plusieurs reprises du grand prix Triennal de littérature jeunesse (décerné par la fédération Wallonie-Bruxelles) attribué à Kitty Crowther, à Rascal, à Anne Brouillard ou dernièrement à Thomas Lavachery. En 2010, Kitty Crowther remporte le prix Alma, le "Nobel" de la jeunesse, reconnu dans le monde entier: "Je ne vivrai jamais un autre truc aussi fou", s’exclame Odile Josselin. Toujours attentive, elle reçoit encore les jeunes illustrateurs avec leurs books et apprécie de participer aux jurys des écoles d’art, traquant la personnalité sous le projet le plus conventionnel. "Pourtant, un éditeur dit plus souvent non que oui. Le plus difficile est de savoir si on va arriver à un résultat, si on peut obtenir quelque chose de super. Parfois, il faut savoir s’arrêter", avoue-t-elle.

Les auteurs et illustrateurs sont unanimes: "C’est un bonheur de travailler avec Odile, on est en famille.""On se sent chez nous. D’ailleurs Pastel est installé dans une maison, pas dans un immeuble. C’est une équipe à taille humaine", souligne Claude K. Dubois. Emile Jadoul aime les discussions sur les points difficiles, le travail en confiance, l’absence de tension. Claude K. Dubois loue aussi "la démarche artistique à laquelle les auteurs sont associés à tous les stades du livre, de la conception à la fabrication, en passant par la couverture et la typographie. Il n’y a qu’ici que ça se passe comme ça."

 

Un humour pince-sans-rire

"Odile est toujours souriante, accueillante et franche. Elle dit si elle aime ou si elle n’aime pas, sans détour mais avec délicatesse", note l’auteur Carl Norac, qui ajoute: "On rigole tout le temps. C’est le côté belge, un peu déconnant, pas prétentieux.""C’est vrai qu’on rigole bien dans les rendez-vous", confirme Odile Josselin, qui possède un humour pince-sans-rire. Pour la fête des 30 ans de Pastel, en mai, ses illustrateurs lui ont rendu hommage avec plus de quarante dessins sur le thème de la danse - sa passion - et un "ndop, une étoffe de la noblesse bamiléké et bamoun indispensable pour toute danse ou cérémonie traditionnelle au Cameroun". "Maintenant c’est une vraie Belge", conclut Claude K. Dubois. D’ailleurs, l’une de ses deux filles (20 ans et 17 ans) va prendre cette nationalité.

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