Cette année, l'Inde est l'invitée d'honneur de Livre Paris. C'est à cette occasion que des voix méconnues émergent. Celle de Meena Kandasamy est comparable à un coup de poignard, teintée d'humour noir. Cette personnalité phare, née en 1984 à Chennai, se distingue comme écrivain, journaliste, poète et activiste. Elle dénonce ardemment l'inégalité des castes, la corruption, la violence et la violation du droit des femmes. Saviez-vous que dans son pays natal, « une épouse est brûlée toutes les quatre-vingt-dix minutes » ?
Elle-même s'est consumée de l'intérieur, lors de ses noces qui n'ont duré que quatre mois. Ce cauchemar a failli la détruire à jamais, mais « le poème est la guérison. Écrire est devenu une question de respect de soi ». Son roman en est la preuve, puisqu'il transforme cette épreuve en manifeste sociopolitique. Pour saisir ce manuel de survie, il faut comprendre comment le piège s'est refermé sur cette femme si libre.
L'héroïne rencontre son mari sur Facebook. Cet universitaire engagé ne peut que lui plaire. D'autant qu'il lui propose un nid au nom magique, Villa Primrose. Impossible d'imaginer sa face sombre... Peu à peu, le monstre vampirise son épouse en anéantissant ses mails, ses contacts et ses écrits. Ainsi, il envahit son territoire et chaque parcelle de son corps. La violence psychologique s'unit quotidiennement à la violence physique. Leur mariage devient une cage, dans laquelle l'héroïne n'a plus le droit d'exister. « Je dois être un rien. »
Son mari attend d'elle qu'elle devienne une épouse modèle, à savoir une personnalité effacée et soumise. « Voilà comment l'histoire dépossède une femme de sa voix. Ma vie me fait honte. » Comment la reconquérir ? Une bataille intérieure commence. Elle passe par des doutes et des peurs : celles de partir, de mourir ou de tomber enceinte. Ses bouées de sauvetage se nomment Jacques Derrida, Hélène Cixous, Frida Kahlo.
Poignante, Meena Kandasamy compose un monologue, au sein d'un « corps fait de mots » qui « donnent naissance à une autre femme ». Une femme écrivain dont l'expérience se veut une métaphore de la violence, tolérée et encouragée, envers ses sœurs du même sexe. La société doit bouger et les encourager à parler, afin qu'elles puissent enfin redevenir elles-mêmes.
Quand je te frappe : portrait de l'écrivaine en jeune épouse - Traduit de l'anglais (Inde) par Myriam Bellehigue
Actes Sud
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 21,50 euros ; 256 p.
ISBN: 9782330133993