Au mois de mars 2021, en plein centre de Marseille, deux librairies ouvraient leurs portes sur le même boulevard, à 80 mètres d’intervalle. L’une bleue nuit, l’autre vert d’eau, elles n’avaient que peu de raison de se concurrencer dans une si grande ville peu pourvue, il y a quelques années encore, de librairies. Mais, en région Sud, la donne change à grande vitesse. « Sur une année de ‘’croisière’’, on enregistre 15 à 20 propositions de reprises ou de création de librairies. En 2020, j’en ai enregistré 50. En 2022, l’année n’est même pas encore écoulée et j’ai déjà reçu 75 projets », chiffre Olivier Pennaneach, chargé de mission Économie du livre (librairie et édition) à l’agence régionale du livre Paca.
Exceptionnelle pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, cette situation est révélatrice du dynamisme du marché des librairies, secteur où le nombre de projets ne cesse d’augmenter, comme le confirme une enquête menée par l’agence Axiales conseils pour le Syndicat de la librairie française (SLF) en début d'été. Et la région Sud compte bien parmi les plus dynamiques en la matière. Spécialiste du territoire, Olivier Pennaneach explique en partie cette augmentation par deux années fastes en termes d’aides. « En 2020, nous avons sauvegardé nos librairies avec quasiment 100% d’aides complémentaires. Puis, en 2021, nous avons lancé un plan de relance avec de nouvelles aides très conséquentes », détaille-t-il, rappelant notamment ces 435 000 euros d’aide à la modernisation mis en place par la Drac et le CNL et répartis sur l’ensemble du territoire.
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Café, galerie, corner jeux...
Relevé dans l'enquête du SLF, ces projets de nouvelles librairies sont souvent portés (une enseigne sur cinq) par des concepts hybrides où la librairie est associée à un café, une galerie, un espace papeterie ou encore un corner jeux. En Paca, la tendance semble être amplifiée. « Cela fait longtemps que je n’ai pas vu un projet qui se lance en 100% librairie », assure Olivier Pennaneach dont les projets reçus présentent souvent des chiffres d'affaires répartis entre de la vente de livres à 85% et des activités annexes pour les 15% restants.
A Marseille, la librairie, Le poisson lune propose ainsi un espace de 130m2 dédié aux enfants avec un café, des ateliers, des spectacles… « Avoir ce type de service est un bon appoint, cela permet de s’assurer une petite marge appréciable », explique le chargé de mission.
Toujours dans une logique de marché, cette dynamique pousse les jeunes libraires à ne plus choisir leur implantation en fonction d’un coup de cœur mais selon une opportunité liée au territoire. « Ces zones dites ‘’blanches’’ sont très recherchées. A Toulon, par exemple, nous avons atteint un nombre de librairies en adéquation face au nombre d’habitants, dit Olivier Pennaneach, dans ce genre de situation, c’est aussi notre rôle de dire non, il n’y a plus de place ».