« Sous la vitre, il y aura un bac à fouille pour la jeunesse ; contre ce mur, ce sera la BD patrimoniale, et cet espace-là sera dédié à la BD thématique et indépendante. » En dépit des câbles suspendus et de la poussière blanche, résidus de chantier, Serge Beaumont, plan à la main, se projette déjà en futur directeur de la nouvelle librairie Jonas. Annoncée pour début mai, la deuxième boutique de l’enseigne indépendante, créée en 1957 par Sabine Landré, deviendra la seule librairie du quartier spécialisée en bandes dessinées, mangas, comics et littératures de l'imaginaire.

« Dans la librairie-mère, BD et imaginaire se partageaient les étagères. Il fallait vraiment consacrer un segment spécifique à l’imaginaire, qui n’a plus le même public qu’avant et est devenu un véritable levier de chiffre d’affaires », explique Nathalie Bertin, propriétaire des deux magasins. Alors, quand en décembre dernier, le local d’une ancienne agence d’assurances s’est libéré à quelques encablures de la librairie, la dirigeante n’a pas hésité. « L’emplacement est idéal. On est à 700 mètres de l’autre librairie et la médiathèque, comme l’université Tolbiac, sont juste à côté. »

Un esprit engagé

Surtout, Nathalie Bertin a pu acquérir le site à un prix étonnamment abordable pour le dynamisme et l’attractivité du quartier. « La totalité de l’investissement se chiffre à 250 000 euros, travaux compris, dont 35 000 de droits d’entrée, détaille-t-elle. On savait qu’on n’aurait pas cette opportunité deux fois. » Étendue sur 80 m² de plain-pied, la boutique accueillera près de 10 000 références, dont 25 % consacrés au manga. « Enfin, c’est encore en discussion », sourit Serge Beaumont, avec qui la dirigeante de Jonas a travaillé pendant 17 ans à la librairie Millepages jeunesse et BD, à Vincennes.

Amoureux des bulles et de la musique depuis plus de vingt ans, le directeur en devenir a même quitté BD Net, à Bastille, pour prendre les rênes du nouveau commerce. Épaulé par deux postes à plein temps et un apprenti, le libraire prévoit d'entretenir l’esprit historiquement engagé de la maison-mère, réputée pour avoir résisté, dans les années 1980, à plusieurs attentats perpétrés par l’extrême droite. Parmi la diversité des rayons, figureront donc une partie des titres BD de la première boutique, et surtout, pléthore de romans graphiques indépendants, militants ou dédiés aux sciences humaines et sociales.