Avant-critique Roman

Vivant, de nom. En 2022 paraissait, aux éditions Anne Carrière déjà, un premier roman, Au départ nous étions quatre, sur la vie d'une fratrie en Bretagne. Le livre avait été salué par la critique et avait obtenu quelques prix modestes. De l'auteur, P.E. Cayral, on ignorait, et l'on ignore toujours, à peu près tout. Souvent affublé de lunettes noires sur ses rares photos, il n'a divulgué ni son prénom, ni son âge. Sa mini-bio officielle précise qu'il « vit à Paris, mais [...] parcourt l'Europe pour vendre des chapeaux ». Il en travaille aussi, si l'on en croit ce deuxième roman qui paraît aujourd'hui. Rien à voir en apparence avec le premier, si ce n'est cette obsession pour les origines, les familles, de sang ou de cœur. Les guerres, aussi.

Nous sommes à Lyon, au tournant du XXe siècle. Le héros et narrateur s'appelle Vivant Henry. Il a 17 ans. Il est le fils de Joseph, un industriel à la tête des paratonnerres Hyfrer avec son frère Jean-Pou. Ils appartiennent à une famille bourgeoise et nombreuse. Joseph est un taiseux, sérieux, austère, travailleur. Naturellement, il compte sur son fils unique pour reprendre l'entreprise. Mais Vivant semble préférer s'amuser avec ses chers cousins René et Edmond, comme des frères pour lui. Il est également très proche de son jeune oncle et parrain, Albin, qui n'a que six ans de plus que lui. Vivant, son bac en poche, monte souvent à Paris pour faire la fête. Notamment chez la Thuyone, tenancière d'un claque chic, qui le dépucelle. Lui joue les dandys, toujours en sandales et torse nu sous ses manteaux ou vestes. Il finit par s'installer près du Châtelet, décroche un contrat avec le Louvre et poursuit sa vie de bohème. Jusqu'en 1905, moment du service militaire, où tout va basculer.

Albin, qui travaille au ministère de la Guerre, convainc ses cadets de préparer Saint-Cyr. Edmond, René et Vivant s'y engagent, s'y amusent beaucoup et réussissent le concours. Trois ans après, le voilà lieutenant, s'ennuyant au Puy-en-Velay. Il pratique la gymnastique, le piano, le théâtre en amateur. Lorsqu'il retourne à Paris, il s'installe chez la fidèle Thuyone, donnant pour elle des fêtes au goût plus que douteux. Mais, les années passent, la guerre menace. En 1912, les trois garçons sont incorporés comme stagiaires dans l'aviation naissante. Vivant effectue son premier vol en tant que pilote et obtient son brevet. Mais juste le jour où Edmond, devenu leur commandant, se marie, la guerre est déclarée, le 2 août 1914. Les cousins accompliront nombre de missions périlleuses. Vivant, au cours de l'une d'elles, découvrira Reims en ruines. Il y rencontrera aussi Marguerite, sa future épouse. Mais l'on n'en dira pas plus.

Se revendiquant un peu de l'esprit de Saint-Exupéry, P.E. Cayral a réussi son deuxième roman. Rapide, nerveux, scandé par de courts chapitres, servi par une écriture élégante, truffé de clins d'œil littéraires ou cinématographiques (La grande illusion, par exemple, de Jean Renoir, lui-même aviateur), c'est un texte hors du temps et en même temps très actuel. Il y est question des liens de famille, de la fraternité humaine plus forte que les guerres, et de l'amour, qui transcende tout.

P.E. Cayral
Si vivant
Anne Carrière
Tirage: 3 500 ex.
Prix: 20,90 € ; 304 p.
ISBN: 9782380823530

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