La voix de Marie Richeux, tous les jours de la semaine au mitan de l’après-midi, enveloppe les auditeurs de France Culture. C’est une voix avec des cailloux de rivière dedans, une rumeur d’enfance dans le grain, jeune et douce. « Pas la peine de crier », leur assure la voix qui entame sa quatrième saison à la barre de cette émission en direct dans laquelle elle développe ses « Polaroïd », des micro-histoires, virgules dansées, cartes postales sonores, instantanés moins pris sur le vif que pris sur le temps, failles minuscules dans l’espace-temps. Invité le 18 décembre 2012, Georges Didi-Huberman a découvert « cette jeune femme qui posait de si belles questions, avec des phrases très calmes mais très enjouées, comme improvisées mais si précises, en réalité », et ce jour-là, le polaroïd polarisait une fissure dans le béton et les perles irisées échappées d’un collier de petite fille. Le philosophe préface ce recueil où Sabine Wespieser a retenu une soixantaine d’images parmi les centaines lues à l’antenne. Dans ce passage des mots dits aux mots écrits, il reste quelque chose de l’oralité. A moins que ce ne soit l’écho de la voix ? Les polaroïds sont datés mais n’ont pas de titres. Certains font un point parfaitement net et d’autres sont floues. Des thèmes ? Un sujet ? Il y a des gens et des choses. Il y des « il », « elle » et quelques « je ». Des Carmen, des Cary, des Kojak. Des mères et des fils. Des renards et des cerfs. Des peaux rougies. Des formes et des gestes pris dans un « rai de lumière », comme dit le préfacier. Il faut citer pour faire entendre. « Quand il fait jour, c’est jaune et brun. Quand il fait nuit, c’est de la nuit. Découpée en feuilles. Découpée en arbres. Découpée en silence. C’est à peine plus lourd que du vent. » Ecoutez-la voir. Lisez-la regarder. Marie Richeux n’a pas 30 ans…
V. R.