Dirigée par la traductrice Anita Rochedy, une étude, à l'initiative du Symposium des traducteurs et traductrices suisses, révèle qu’un quart des traducteurs interrogés ont déjà eu des propositions, de la part d'éditeurs, de post édition automatisée par l'intelligence artificielle. Un peu plus d’un tiers a accepté, les autres ayant refusé.
Ces travaux concernaient majoritairement des ouvrages spécialisés, mais aussi des romans, des essais et des livres jeunesse. Contrairement à ce que l’on peut imaginer, les raisons de ces propositions n’étaient pas liées à la barrière de la langue puisque les textes sources étaient essentiellement écrits avec des langues nationales que maîtrisent les traducteurs. Par ailleurs, un cinquième des participants a reçu des propositions de post édition dans des contextes journalistique, académique et pragmatique.
"Les sous-entendus ou les allusions disparaissent avec une intelligence artificielle"
En ce qui concerne la forme, le contrat a été présenté sous plusieurs noms. Dans 37% des cas, il a été explicitement mentionné comme de la post édition. Mais dans d’autres situations, il a pu revêtir le terme de “révision de traduction” (25%), “préparation de copie” (25%) ou encore “réécriture” (12%).
Pour la partie “qualitative” de l’étude, quatre traducteurs et traductrices se sont vu confier un texte à traduire selon une méthode impliquant un recours plus ou moins contraignant à l’intelligence artificielle. Tous ont signalé des difficultés ou des limites liées à l’outil, notamment dues au suisse-allemand. L’incompréhension devant certaines erreurs inattendues (un sujet féminin devient masculin), la pénibilité de la collaboration avec l’intelligence artificielle et la fatigue qui implique de travailler non plus sur deux textes (texte source et texte cible) mais trois en ajoutant celui généré par l’IA ont également été relevés.
« Tout ce qui n’est pas entre les lignes, tout ce qui n’est pas allusif est correctement traduit, mais dès qu’une phrase ou un paragraphe a des sous-entendus ou des allusions, ceux-ci disparaissent avec une intelligence artificielle », ajoute Nicolas Couchepain président de l’A*ds (Association auteurs et autrices de Suisse). Résultat, l’ensemble des traducteurs estiment que si le premier jet obtenu est plus rapide, les étapes qui suivent sont plus fastidieuses et qu’on ne peut donc pas parler de gain de temps quand il s’agit de post-édition. « Les traducteurs qui ont travaillé sur les textes saisis se rendent compte que le travail de post-traduction est plus compliqué que le travail de traduction en lui-même », conclut Nicolas Couchepain.