Avant-critique Roman

Un garçon disparaît. Nous sommes en 1985, et l'auteur narrateur évoquera au fil de son récit quelques-uns des faits saillants de cette époque : Mitterrand président et SOS Racisme, Jean-Paul Kauffmann et Michel Seurat otages du Hezbollah au Liban, Bernard Hinault vainqueur du Tour de France, ou encore le boom du walkman, que tous les ados d'alors se collaient sur les oreilles. Pas vraiment une nostalgie de ces années à la fois si proches et si lointaines, mais un peu comme une toile de fond, qui s'estompe.

Nous sommes sur l'île de Ré, en cet été 1985. Philippe le Charentais est en vacances avec ses parents, avant de rejoindre le campus de son école de commerce à Rouen. Il y retrouve ses copains de toujours, François, fils de Christian le boucher, qui reprendra le commerce familial, Christophe, le pêcheur, qui deviendra plus tard restaurateur. Il y a aussi un nouveau, l'énigmatique Nicolas. Un garçon blond et mince, comme translucide, peu expansif, qui ne se confie guère, notamment sur le divorce houleux de ses parents, les violences paternelles, et le harcèlement qu'il subit au lycée parce qu'il fait « pédé », pas assez viril. Il s'est agrégé à la bande, et est assez lié à Philippe, lequel ne se cache pas de son homosexualité. Il a déjà vécu un chagrin d'amour avec son premier ami, Thomas, et a réussi son coming out sans problème. Et puis il y a Alice et son frère Marc, un beau tennisman blond musclé et sympa qui fait craquer Philippe. Une love affair se nouera d'ailleurs entre eux. Alice, elle, affole François, émerveillé par sa différence, son élégance de jeune bourgeoise parisienne. Mais la jeune fille semble lui préférer Nicolas. Tout ce petit monde a plus ou moins 18 ans, sauf Marc, deux ans plus âgé, et Virginie, la petite sœur de François, vive, maline, qui, à 13 ans, a tout compris des rapports entre les six, et les analyse en fine psychologue, plus dégourdie que ses aînés.

Cet été torride se déroule sans anicroche, entre la plage, les sorties ensemble, les flirts plus ou moins appuyés et le farniente. Jusqu'à cette soirée en boîte du 20 juillet où, vers une heure du matin, Nicolas disparaît. Nul n'aura de ses nouvelles, ni ne le reverra. Et l'enquête de gendarmerie ne donnera rien. Il n'avait même pas encore ses 18 ans... Les vacances s'achèvent dans la culpabilité, la sidération, et rien ne sera plus jamais comme avant.

Avec sa délicatesse et sa sensibilité coutumières, cet art de mettre en valeur des petits faits très révélateurs d'une psychologie, son écriture sans fioritures qui dit beaucoup en peu de mots, et ce grain de sel d'aujourd'hui avec lequel il commente les événements de l'époque, Philippe Besson a réussi ce vingt-troisième roman, où il exhume un souvenir de jeunesse et renoue avec sa veine autobiographique − peut-être ce que l'on préfère chez lui. Comme souvent chez Besson, ce roman se prêterait parfaitement à une adaptation au cinéma, par Xavier Dolan, par exemple.

Philippe Besson
Un soir d'été
Julliard
Tirage: 60 000 ex.
Prix: 20 € ; 208 p.
ISBN: 9782260055808

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