D’un côté, il y a Yvan Benedetti. Militant nationaliste (comprendre en langage usuel : facho) d’une cinquantaine d’années, d’origine corse, exclu du Front national, disciple de Pierre Sidos à qui il succédera à la présidence de l’Œuvre française avant la dissolution de ce groupuscule plus ou moins néonazi. De l’autre côté, il y a Philippe Pujol, de dix ans son cadet, journaliste jusqu’il y a peu de temps au quotidien communiste La Marseillaise, prix Albert-Londres 2014 pour une série d’articles sur les quartiers nord de Marseille qui deviendront en 2016 un livre, magnifique, La fabrique du monstre, aux Arènes. Les histoires de famille, c’est toujours compliqué : les deux gaillards, aussi dissemblables qu’on puisse l’être, sont cousins.
Dans Mon cousin le fasciste, terrifiant et fascinant récit, Philippe Pujol ne se contente pas de dresser l’état des lieux de ce cousinage. Ni surtout d’entreprendre l’ascension de cette altérité radicale sur le versant le plus couru, celui du recours à une gênante psychologie, d’appeler la compréhension du lecteur aux seules causes et conséquences. Il tourne un peu comme un boxeur autour de Benedetti, sans rien cacher de son humanité, même dévoyée, l’observant comme au zoo les enfants le font des grands singes. S’il veille en bon journaliste à toujours "recontextualiser" la trajectoire de son cousin dans le champ du fascisme contemporain, le meilleur de son récit est ailleurs. Il est dans ces moments de vérité pernicieuse où Benedetti se montre tel qu’en lui-même au détour d’une soirée ou dans la préparation d’une bagarre de rues : péremptoire, curieusement charismatique, ridicule, malin, voyou, soldat d’une cause perdue. Humain, tout de même. Humain, hélas. O. M.