Philippe Robinet annonce la couleur : "Le volume d’activité [ventes en prix publics hors taxes, NDLR] de Calmann-Lévy s’est établi à 12,9 millions en 2016. Mon but est de le maintenir au-dessus de 15 millions avant trois ans." Un objectif ambitieux pour une maison qui affiche une activité erratique (16 millions d’euros en 2015, 12,6 millions d’euros en 2014, selon l’éditeur). "Nous voulons aller vite, Calmann-Lévy doit être plus présente dans les classements des meilleures ventes", promet son directeur général. Au sein d’Hachette Livre, Philippe Robinet dirige cette maison depuis mai 2016, ainsi que Kero qu’il a cofondée en 2012 avec Mathieu Quéré et revendue au groupe en décembre 2015. Pour coordonner les deux marques, il a mis en place un seul comité de direction qui doit, dit-il, "essayer de tirer parti au mieux des deux".
D’un côté, Calmann-Lévy, éditeur historique qui fête cette année ses 180 ans et compte un fonds bien garni de classiques tel Le journal d’Anne Frank. De l’autre, la jeune maison Kero dont les titres d’humour de Laurent Baffie ou de fiction de Laurent Gounelle se sont vendus à des dizaines de milliers d’exemplaires. "Ce n’est pas compliqué d’allier le passé et le futur, du moment qu’on est clair sur ce qu’on fait et ce qu’on ne fait pas, estime Philippe Robinet. Calmann-Lévy est une maison historique et prestigieuse. Parce qu’elle est historique, elle permet de prendre du recul. Kero, en revanche, est là pour refléter son époque. Ce n’est pas un petit frère ou une petite sœur de Calmann-Lévy, mais un cousin. Kero et Calmann-Lévy sont des cousins très proches. Deux sociétés correspondant à deux logiques différentes."
Synergies visibles
Sur le plan éditorial, des synergies entre les deux maisons sont déjà visibles. L’écrivain René Manzor, jusqu’ici édité par Kero, est passé chez Calmann-Lévy. "Et à l’inverse, l’ouvrage de Fanny Auger sur l’art de la conversation que nous publierons prochainement paraîtra sous la marque Kero", ajoute Philippe Robinet. Dans le même esprit, à partir de septembre, la collection de littérature dite blanche de Kero est transférée chez Calmann-Lévy. Des passerelles ont aussi été établies sur le plan du développement. Calmann-Lévy a repris à son compte le principe de transparence des données à l’égard des auteurs implantés par Kero. Depuis 2014, tirages et chiffres de vente GFK sont accessibles 24 heures sur 24 sur le site de la maison. "Ce sera pareil pour les auteurs de Calmann-Lévy à partir de fin avril. Un nouveau site leur permettra de suivre l’évolution des ventes de leurs ouvrages en temps réel", indique le directeur général. L’appartenance au groupe Hachette a par ailleurs permis à Kero de vendre les droits de Laurent Gounelle à Little, Brown, l’une des maisons de la filiale américaine Hachette Book Group aux Etats-Unis, qui publiera l’auteur français en 2018. "Nous visons une organisation qui nous permette de nous projeter dans une dynamique par rapport à l’extérieur, et qui permette aux auteurs de continuer à s’y sentir bien. Nous ne sommes pas plus vertueux que les autres, nous sommes différents et c’est une belle modernité pour cette maison", déclare Philippe Robinet.
Lorsqu’il évoque Calmann-Lévy, celui-ci insiste sur un besoin de transparence. "Pour gagner en visibilité, je veux clarifier l’offre, ce qui passe aussi par une réduction du nombre de nouveautés de 95 à 85 par an", indique-t-il. Il entend aussi concentrer les catalogues. Les collections thriller et polar seront regroupées sous l’appellation Calmann Noir. Les têtes d’affiches, Donna Leon et Michael Connelly, se mêlent à d’autres auteurs étrangers comme Niko Tackian, dont les droits du roman Toxique viennent d’être cédés à l’éditeur allemand Piper Verlag. En parallèle, la collection "France de toujours et d’aujourd’hui", consacrée à la littérature de terroir, changera de charte graphique. Quelques beaux livres mettront le sport à l’honneur et, en littérature étrangère, le prochain titre du Gallois Martin Amis paraîtra à la fin de l’année. "Nous allons également développer la collection des essais et des récits parce que je veux qu’elle soit dans la lignée de la collection "Liberté de l’esprit" que Raymond Aron créa dans cette maison en 1947, poursuit Philippe Robinet. Sans oublier les trois nouveautés annuelles coéditées avec le Mémorial de la Shoah. Je suis fier de porter cette collection. Elle n’est pas simple à installer en librairie mais c’est important pour nous de continuer à le faire."
Sillonner l’Hexagone
Le directeur général de Calmann-Lévy et Kero présentera en personne ces grands axes aux partenaires libraires et journalistes de 18 villes françaises. "Je vais sillonner l’Hexagone pour raconter notre histoire, pour rappeler aux gens qui nous sommes et d’où nous venons", insiste-t-il en rappelant que Calmann-Lévy est la deuxième maison d’édition la plus ancienne derrière Stock, fondée voilà 309 ans. "La stratégie commerciale est en place", ajoute Philippe Robinet, qui préfère ne pas détailler les changements auxquels il a procédé depuis un an dans le fonctionnement de la maison, parmi lesquels celui de la scout opérant pour Calmann-Lévy aux Etats-Unis ou le remaniement du conseil éditorial chargé des essais et des récits. "De toute façon, je n’ai pas de poudre magique, dit Philippe Robinet. Ma ligne de conduite est extrêmement claire : je fais d’abord, et j’annonce après." Raison pour laquelle l’éditeur à double casquette a attendu dix mois avant de s’exprimer publiquement pour la première fois.