Ce mercredi 21 novembre est un jour spécial pour Pierre-Olivier Bonfillon. Nul besoin de café pour le souriant et enthousiaste directeur des éditions Prisma, qui occupe ce poste depuis 2009, il a déjà fait le plein d'adrénaline. Et pour cause, ce jour-là voit le lancement simultané en kiosque et en librairie (Interforum) du nouveau mook de la maison, Plus belle la vie. Un lancement facilité par le beau succès du premier-né, en mars, de la famille des mooks Prisma. A cheval entre le livre et le magazine, Miaou « coche toutes les cases », se félicite Pierre-Olivier Bonfillon. Tirée à 80 000 exemplaires, la revue trimestrielle pour « ronronner de bonheur » mêle photos, entrevues avec des personnalités, articles de félinothérapie, actualités autour des chats et propose des cartes, marque-pages ou étiquettes à collectionner. Le succès des deux premiers numéros dépasse les frontières hexagonales puisque la maison mère de Prisma Media, l'allemand Gruner+Jahr (Bertelsmann), a acheté les droits de la revue pour l'adapter en Allemagne. Le Miau allemand paraîtra en janvier 2019 avec un tirage de 100 000 exemplaires.
Diversification
Plus belle la vie est éditée de même par la branche édition de Prisma Media, qui détient en France 25 titres de presse tels que Voici, Femme actuelle, Capital, ou Télé Loisirs, et ce sont les journalistes du magazine télé qui ont signé, avec des auteurs, son premier numéro tiré à 80 000 exemplaires. Le mook mélange coulisses de la célèbre série française diffusée sur France 3 et découverte de Marseille. Il rejoint le pôle dédié que l'éditeur a commencé à constituer en mars autour de Miaou après cinq ans de réflexion, et qui devrait continuer à s'étoffer courant 2019 avec de nouvelles revues. « Pour une maison d'édition intégrée à un groupe de presse, c'est une diversification tellement naturelle que nous nous demandons pourquoi nous n'avons pas commencé par cela, sourit Pierre-Olivier Bonfillon. Nous proposons des trimestriels diffusés dans deux réseaux différents, presse et librairie, dont les contenus sont chapeautés par nos éditeurs, rédigés par des journalistes du groupe et des auteurs, tandis que la partie marketing est ancrée dans Prisma Media : nous bénéficions de l'incroyable caisse de résonance que représentent les magazines du groupe pour la publicité, mais aussi de sa force de frappe en termes de digital et de communautés de lecteurs. » Avec, à la clé, évidemment, un levier de chiffre d'affaires important pour un investissement mesuré.
Malgré ces atouts, l'objectif de la maison n'est pas, précise Pierre-Olivier Bonfillon, de « lancer des revues par principe ». Pour « faire sens » avec le positionnement de Prisma Media, tourné vers les thématiques grand public et les « centres d'intérêt » (cuisine, voyage, histoire, etc.), l'éditeur a cherché des concepts fédérateurs qui « allument dans les yeux de [ses] collaborateurs une petite étincelle » et dont la valeur ajoutée en support papier serait indéniable. « Si on lance du print dans un groupe de presse qui fait beaucoup de digital, il faut impérativement proposer ce qu'une tablette ou un ordinateur ne peuvent pas faire. »
Les deux autres mooks trimestriels lancés par la maison cet automne obéissent à une logique un peu différente de celles de Miaou ou de Plus belle la vie. Dans l'histoire (septembre) et Explorer (octobre) ont vocation à accueillir des adaptations rééditorialisées au format revue, de livres édités par Prisma ou achetés à des éditeurs extérieurs. « Cela permet à un lectorat qui n'investit pas forcément spontanément dans un beau livre de découvrir, à un prix accessible, le travail d'un auteur ou d'un photographe », et dont il achètera, peut-être, le livre. De plus, souligne l'éditeur, « le rythme de vie des ouvrages, destinés à être pérennes sur la durée, et celui des mooks, qui ne peuvent rester en vente que durant 56 jours en kiosque, sont complémentaires ». Ces mooks ne seront disponibles qu'en kiosque et dans les maisons de la presse pour laisser au livre le monopole de la librairie. Le premier numéro de Dans l'histoire reprend ainsi le document illustré de Patrick Facon, La Grande Guerre par les images de propagande, paru chez Glénat, tandis que l'impressionnant Volcans de Florent Mamelle, paru en septembre sous la marque National Geographic (Prisma), renaîtra le 19 décembre dans le numéro 2 du mook Explorer.
Partenariats
Cette volonté de créer de nouveaux formats pour mettre en lumière et prolonger la vie d'un contenu est justement à l'origine de la fondation des éditions Prisma. « A mes débuts, j'ai vu défiler à la rédaction du magazine Géo des photographes qui avaient passé des années sur le terrain et à qui on prenait seulement quelques photos qui rempliraient 6 pages avant de finir, un mois après, à la benne, remplacées par un autre numéro : ça me rendait dingue », se souvient Pierre-Olivier Bonfillon. Pour prolonger la durée de vie de certains contenus magazines, le groupe Prisma décide, en 1998, de lancer des ouvrages sous les marques des titres de presse du groupe, principalement dans le domaine des livres illustrés. Géo ouvre la marche, suivi en 1999 par National Geographic dont Prisma a obtenu la licence française. Parallèlement, le groupe s'associe à des éditeurs extérieurs à qui il apporte la force de frappe de Prisma et crée des coéditions notamment avec Solar, Casterman, Gallimard et Playbac.
Cette multiplication des partenariats et la politique de marques du groupe, qui n'a jamais souhaité mettre son nom dans la lumière, expliquent la manière dont Prisma éditions, maison officiellement lancée en 2007, s'est discrètement imposée comme un acteur atypique mais incontournable du monde de l'édition qui enregistre une croissance constante depuis sa création. Elle propose aujourd'hui 150 nouveautés par an, diffusées-distribuées par Interforum, CDE-Sodis ou la Sofédis, dont les deux tiers sont de la création. Positionnée sur le
secteur des livres illustrés, notamment sous les marques Géo, National Geographic, Hérédium, de la littérature avec Les Nouveaux Auteurs et des feel-good books, la maison édite aussi des ouvrages de développement personnel puisqu'elle a racheté, en 2014, la partie grand public des catalogues Prat et ESF. L'éditeur ne s'interdit d'ailleurs pas de racheter d'autres structures éditoriales. « On regarde de près ce qui se passe », lâche Pierre-Olivier Bonfillon, tout aussi sibyllin à propos du nouveau mook que lancera la maison au printemps.