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Politesse oblige

Les chevaliers de l’ordre du Saint-Esprit faisaient la révérence comme les femmes lors des cérémonies. - Photo Christie’s Images/Bridgeman Images/Flammarion

Politesse oblige

Spécialiste de culture française, l’Italienne Daria Galateria signe un livre aussi érudit que plaisant sur l’étiquette à la cour du Roi-Soleil.

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Par Sean James Rose
avec Créé le 05.05.2017 à 01h32

Certaines expressions se perdent dans la nuit des temps, ou simplement le brouillard de l’ignorance que ne fait qu’épaissir l’obsolescence de certains usages. "Faire long feu" a certes survécu aux mousquets ; cette locution décrivait à l’origine la poudre dans les armes à douilles sans amorce qui se consume sans exploser. "Avoir le tabouret", "obtenir le tabouret", "l’espoir du tabouret" ou encore "duchesse à tabouret"… Autant d’expressions, en revanche, dont le sens s’est égaré dans les combles de l’histoire. "Tabouret", pris au figuré, désigne un privilège : plus précisément, celui, pour une femme de la noblesse, d’avoir le droit d’être assise en présence de la reine. Mais pas n’importe quelle noble ! "[Seules] les femmes des ducs et pairs avaient droit au tabouret […] et s’appelaient dames assises ou plus directement "tabourets"", précise l’enseignante de littérature française à La Sapienza de Rome, Daria Galateria, dans son délicieux petit guide des us et coutumes au temps de Louis XIV, L’étiquette à la cour de Versailles. Le texte est truffé d’anecdotes tirées des Mémoires de Saint-Simon mais aussi d’autres chroniqueurs du Grand Siècle comme "l’irrévérent" comte de Bussy-Rabutin, qui demanda à Louis XIV au sortir de la messe la casaque bleue. "Ce gilet bleu et argent garantissait à quarante courtisans d’être invités aux chasses à Marly", explique Daria Galateria. Le port de ce vêtement est sanctionné par un secrétaire d’Etat de la maison du roi, d’où le surnom dudit comte : "justaucorps à brevet". Du lever au coucher du roi, Versailles est un théâtre où chaque geste du souverain et des princes est public et ultra-codifié : de la table ("table d’honneur", "table ronde", "table en ville") à la chemise de nuit en passant par la chaise percée dont le contenu est vidé par un préposé à cet office, une chorégraphie savamment orchestrée où le moindre faux pas vous expose au ridicule. Ainsi apprend-on que le baisemain est une importation du sud des Pyrénées : l’ambassadeur d’Espagne, après autorisation du Premier ministre le cardinal Fleury, le pratiqua sur la Dauphine de France en 1739, et mille autres délicatesses de cette politesse d’Ancien Régime.

Agrémenté dans l’édition française de gravures de Nicolas Arnoult, contemporain du Roi-Soleil, l’ouvrage accentue ce côté Michelin des arcanes du snobisme courtisan et fait passer l’érudition de manière fort plaisante. S. J. R.

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