Le 24 octobre dernier, la Cour d'appel de Paris a estimé que le maintien de l'article 38 de la loi du 29 juillet 1881 pour s'opposer à la divulgation de pièces du dossier Servier constituait «  une ingérence disproportionnée, dans l'exercice du droit à la liberté d'expression, et ne répondait pas à un besoin impérieux de protection de la réputation et des droits d'autrui ou de garantie de l'autorité ou de l'impartialité du pouvoir judiciaire et doit, dès lors, au cas d'espèce être déclarée non conforme à l'article 10 de la Convention  européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales  ». En l'occurrence, un grand quotidien avait amplement cité les procès-verbaux d'audition d'un témoin «  visant à présenter la politique de diffusion de ses produits par les Laboratoires Servier comme recourant à des méthodes mercantilistes de persuasion des médecins prescripteurs, peu soucieuses d'exactitude sur les caractéristiques et les propriétés réelles de ces produits et, en particulier du Mediator, sans contenir une claire prise de position sur la culpabilité des Laboratoire Servier.  » Or, la cour a décidé qu'«  informer le public sur un sujet tel que l'affaire du Mediator, qui a trait à un problème de santé publique général (...) présente sans conteste un intérêt majeur  ». Ce jugement ne doit cependant pas faire illusion. Rappelons que, d'une manière générale, les protagonistes des faits divers, et leur famille, disposent d'une très grande palette de moyens juridiques pour empêcher aussi bien les simples comptes-rendus de leurs péripéties que les fictions. Beaucoup d'informations de nature judiciaire sont interdites de publication. C'est ainsi que ce fameux article 38 de la loi de 1881, invoqué en première instance dans la procédure sus-mentionnée, interdit de divulguer les actes d'accusation et tous autres actes de procédure criminelle ou correctionnelle, avant qu'ils aient été lus en audience publique. L'article 39 prohibe le compte-rendu des délibérations intérieures des jurys, des cours et tribunaux. Bref, la paraphrase est de rigueur. Ce même article 39 de la loi de 1881 interdit encore, en théorie, de rendre compte de certains litiges, tout comme de publier les pièces de procédures particulières : il s'agit là en particulier des contentieux concernant la diffamation, des divorces ou des actions en filiation. Seul le dispositif (c'est-à-dire la sentence finale) de ces décisions peut être librement publié . Quant aux motivations de ces décisions de justice, une exception subsiste au profit des seules publications techniques, qui doivent cependant respecter l'anonymat des parties. L'évocation d'un viol ou d'un attentat à la pudeur ne doit comporter ni le nom de la victime ni des renseignements pouvant permettre son identification. De même, la très grande majorité des affaires judiciaires auxquelles des mineurs sont mêlés ne peuvent être, sauf exception, l'occasion de dévoiler leur l'identité et leur personnalité. L'article 2 d'une loi de 1931 empêche encore toute publication d'une information sur les constitutions de partie civile, avant que n'intervienne la décision de justice attendue. C'est surtout l'article 9-1 du Code civil, issu de deux lois de 1993, qui permet d'agir très largement, puisqu'il concerne les atteintes portées à la présomption d'innocence. Le secret de l'instruction, visé à l'article 11 du Code de procédure pénale, reste un instrument de censure très efficace. Quant aux proches du présumé innocent, ils peuvent avoir recours au respect de la vie privée, prévu à l'article 9 du Code civil. La « Loi Guigou» sanctionne par ailleurs la publication de photographies de personnes menottées... Et le Tribunal de grande instance de Paris a considéré, dès 1995, qu'un condamné pénal ne devait pas supporter à nouveau le poids d'une faute déjà payée, par le biais d'une publication de son image, bien des années après les faits. Les dispositions du Nouveau Code pénal interdisent toujours les « gravures, dessins, portraits ayant pour objet la reproduction de tout ou partie des circonstances » de la plupart des crimes et délits. Le commentaire même des procès criminels est un exercice à risque. L'article 30 de la célèbre loi du 29 juillet 1881 protège expressément les cours et tribunaux de toute diffamation. L'article 434-24 du Nouveau Code pénal fustige les outrages aux magistrats, aux jurés et aux témoins. L'article 434-25 du même code sanctionne le discrédit jeté sur un acte ou une décision juridictionnelle. Quant à l'article 434-16 du Nouveau Code pénal, il vise les pressions exercées sur les jurés et sur les témoins, par un moyen public, avant la décision juridictionnelle... Enfin soulignons que la loi Perben II a rendu possible l'interdiction pour certains condamnés d'évoquer publiquement - dans un livre notamment - les faits pour lesquels ils ont été jugés.
15.10 2013

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