28 octobre > Roman Espagne

Le narrateur, un jeune homme poussé par la nécessité, passe un jour une petite annonce : "Réalisez vos biographies sonores". Et non "musicales". Une ambiguïté qui va l’entraîner dans une suite d’aventures. En effet, alors qu’il croyait réaliser en quelques clics des compilations personnalisées de chansons, voici que les deux clients souhaitent raconter leur vie. Il y a d’abord ce type antipathique et radin, qui le prend pour un écrivain public. Il commence à lui dicter des pages et des pages, à envoyer ensuite sur un blog. Il y confesse son parcours atypique : écrivain public, il a fini par dicter leur conduite à ses clients avant les événements, par les manipuler, moyennant de gros profits, puis par accepter de pousser un homme au suicide. La seconde, Madame Urrutia, plus agréable et généreuse, est tout aussi bizarre : parvenue au terme de sa vie, et alors que sa mémoire commence à flancher, elle veut la stimuler en réécoutant tous les bruits qui l’ont marquée. Au fil des séances et des défis elle se raconte, "pour être vide", en paix avec elle-même lorsque la mort viendra.

Tout, dans ce métier si particulier, incite le narrateur à sa propre anamnèse. Mal dans sa peau, il n’a pas oublié sa triste enfance, feutrée et solitaire, tandis que sa mère adorée se mourait dans une pièce de l’appartement. Et il en veut encore à son père, un brave homme, vendeur en mercerie, de son silence, de son apparente indifférence. Alors, lui aussi va se raconter, graver des CD et les distribuer à plusieurs protagonistes, dont Mariluz, la femme de sa vie. Au terme de bien des détours, "tout finit par s’emboîter", et il se réconcilie avec lui-même et avec les autres.

Grâce à ce roman polyphonique maîtrisé, Luisa Etxenike confirme son talent, que l’on avait découvert dans Le ravissement de l’été, (Robert Laffont, 2012). Jean-Claude Perrier

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