Le jeune auteur de De nos frères blessés, paru le 11 mai chez Actes Sud, l'a indiqué dans une lettre envoyée à l'Académie Goncourt et transmise par la maison à Livres Hebdo. Joseph Andras, qui souhaite éviter la médiatisation, y remercie les membres de l'Académie mais explique que les distinctions sont contraires à sa conception de la littérature, et qu'il ne peut accepter le Goncourt du premier roman 2016.
"J'ai pris connaissance du prix "premier roman" attribué à De nos frères blessés par l'Académie Goncourt. Que ceux qui ont trouvé quelque intérêt à ce livre soient ici sincèrement remerciés – il n'en reste pas moins que je ne peux l'accepter: la compétition, la concurrence et la rivalité sont à mes yeux des notions étrangères à l'écriture et à la création", indique l'écrivain dans sa brève lettre.
"La littérature, telle que je l'entends en tant que lecteur et, à présent, auteur, veille de près à son indépendance et chemine à distance des podiums, des honneurs et des projecteurs. Que l'on ne cherche pas à déceler la moindre arrogance ni forfanterie dans ces lignes: seulement le désir profond de s'en tenir au texte, aux mots, aux idéaux portés, à la parole occultée d'un travailleur et militant de l'égalité sociale et politique."
Le précédent Julien Gracq
Contacté par Livres Hebdo, Bernard Pivot, le président de l'Académie Goncourt s'est avoué un peu surpris par le refus du lauréat. "Son éditrice, que nous avions prévenue lorsque De nos frères blessés s'est retrouvé parmi les finalistes, nous avait informé qu'il ne viendrait pas à la remise, car il ne souhaite pas entrer dans le circuit médiatique, ce que je peux comprendre. Mais j'ai trouvé plus étonnant, et un peu dommage, qu'il ne nous ait pas prévenu qu'il refuserait le prix dans le cas où il l'obtiendrait."
Marie Desmeures, l'éditrice de Joseph Andras chez Actes Sud, s'en est expliquée auprès de Livres Hebdo, soulignant qu'un léger malentendu était derrière ce coup de théâtre. "En annonçant qu'il n'irait pas recevoir le Goncourt du premier roman s'il le recevait, Joseph Andras pensait en fait qu'il annulait ses chances de le recevoir. Il est opposé à toute forme de concours, de médaille, de prix littéraire, et il est par ailleurs très indépendant et ne voulait pas avoir le sentiment d'être redevable à cette institution. De mon côté, je n'ai pas imaginé un instant qu'il le refuserait dans le cas, assez peu probable, où il le recevrait."
Avant Joseph Andras, Julien Gracq est le seul lauréat à avoir refusé le Prix Goncourt, en 1951 pour Le rivage des Syrtes (Corti). Aucun auteur n'avait encore refusé le Prix Goncourt du premier roman, créé en 2009 et ayant pris la suite des bourses Goncourt, fondées en 1990.