3 novembre > Essai Japon > Terada Torahiko

A la fois physicien, philosophe, homme de vaste culture, Terada Torahiko (1878-1935) fut l’élève, en littérature anglaise, puis le disciple de l’illustre Natsume Sôseki (1867-1916), notamment dans l’art du haïku. Avant la mort du maître, ils avaient même formé une espèce de club dont les membres s’exerçaient à cet art redoutablement complexe, "un concentré de rhétorique", écrit Terada, et exclusivement japonais. Il existait même une rubrique haïku dans le journal Nippon.

Même si, dès la fin du XIXe siècle, des écrivains occidentaux (comme Mallarmé), attirés par l’Extrême-Orient, s’y sont intéressés, voire ont tenté d’en écrire dans leur langue, rien à faire. Le haïku, explique Terada dans ses leçons publiées en 1935, avec sa "compression extrême du sens", ses trois vers de 5, 7 et 5 syllabes, exprime toute la subjectivité des Japonais, dont il incarne la "mémoire collective", et ses symboles sont hermétiques à l’étranger. Exemples à l’appui, tirés de l’œuvre de Bashô, le maître des maîtres du genre. C’est convaincant, clair, passionnant, en dépit de quelques relents nationalistes : dans les années 1930, le Japon s’arme à outrance, envahit la Chine et se prépare à la prochaine guerre mondiale.

Les éditeurs ont ajouté à cet essai sur le haïku un autre texte, consacré en 1932 par Terada à Sôseki. A la fois récit amusé d’une amitié et hommage à un maître vénéré, disparu depuis longtemps déjà. Terada raconte notamment comment la gloire est venue à Sôseki avec Je suis un chat (1905-1906), roman dont il est lui-même l’un des personnages. Jusqu’à la fin, Sôseki fit preuve de modestie et d’humour, prenant sur lui pour réconforter les autres. C’était un esprit éminent, à la fois profondément japonais et ouvert sur l’Occident (il avait vécu en Angleterre), enseignant, attiré par les sciences, calligraphe, chanteur de nô, écrivain et haïkiste virtuose, bien sûr : "Vent d’automne/de l’arc de bois nu/tendons la corde". Jean-Claude Perrier

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