6 janvier > Nouvelles France

Les Chedid, Français d’origine orientale (Egypte, puis Liban), sont une dynastie de surdoués qui, un peu comme les grandes familles du cirque, savent tout faire, ont tous les talents. Andrée, la grand-mère, fut un des écrivains importants de notre époque, et Joseph, son mari, un physicien de haut vol. Leurs petits-enfants, Mathieu (alias M), Joseph, Emma, sont dans la musique. Comme leur père, Louis, l’un de nos plus attachants auteurs-compositeurs-interprètes. Ses chansons, si l’on y prête attention, s’apparentent à de très courtes nouvelles, qui racontent des histoires, pas toujours très gaies, comme le fameux Ainsi soit-il, l’un de ses "tubes", sorti en 1982. Certaines, aussi, n’hésitent pas à pointer du doigt les travers de notre monde, politique par exemple.

Rien d’étonnant, donc, à ce que Louis Chedid, déjà auteur de deux livres en 1992 (dont le joli 40 berges blues, chez Flammarion), et reprenant la plume aujourd’hui, ait composé un recueil de nouvelles, Des vies et des poussières, dont certaines, quinze sur les seize, ne sont pas beaucoup plus longues que des chansons. L’autre texte, "Mensonges et vérité", a en revanche tout d’une novela. L’inspiration de l’auteur est la même, en plus noir et plus grinçant peut-être. Les histoires qu’il invente sont souvent morbides. Dès le début, le ton est donné, avec Antoine, un assureur particulièrement pugnace pour dénicher les escrocs, surnommé "Sherlock" par ses collègues, qui déprime parce qu’il a été plaqué par Colette, sa femme, pour "un bellâtre ibérique". Or Antoine est mort sans s’en rendre compte. Il y a aussi Léon, tellement acouphobe qu’il s’automutile horriblement afin d’échapper à tout bruit, et finit par mourir bêtement. Ou encore Bertrand, si "poire" depuis toujours qu’il retourne, vingt ans après, voir son père qui l’a martyrisé toute son enfance, croyant sincèrement qu’à l’heure de sa mort, on devient meilleur. Bertrand va faire la triste expérience qu’il n’en est rien, que son père est demeuré un monstre.

Les personnages de Chedid sont en majorité des hommes, même si un peu particuliers (voir la deuxième nouvelle, "Mon homme"), ou des animaux, leurs victimes. Côté satire politique, on se délectera de ce "Moi, Président de la République", où un locataire de l’Elysée se rêve en dictateur absolu menant tout le pays à la schlague… Quant à la novela, c’est l’histoire de Christophe, menteur de haut vol, mythomane, faussaire, imposteur, nègre littéraire, qui sera un jour rattrapé par la vérité ultime.

Tout cela, extrêmement bien écrit, forme une comédie humaine à la fois réaliste et fantaisiste, mise en scène par un écrivain qui adore le cinéma, sa première passion. Alors : "Moteur."

Jean-Claude Perrier

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