ENQUÊTE

Depuis quelques années, l'action culturelle a le vent en poupe dans les bibliothèques. Fini le temps où l'on se posait la question de sa légitimité. Aujourd'hui, presque tous les établissements, quelle que soit leur taille, organisent des animations à destination de leurs usagers avec l'objectif, notamment, d'élargir leur public habituel.

La bibliothèque Saint-Simeon à Auxerre.- Photo OLIVIER DION

Mais voilà qu'une étude menée cette année par Claude Poissenot et ses étudiants de l'IUT métiers du livre de Nancy vient semer le doute (1). Dans cette étude, 11 bibliothèques représentatives du territoire national ont accepté de participer à l'enquête en obtenant des visiteurs adultes assistant à leurs animations qu'ils remplissent un questionnaire. Plus de 400 personnes y ont répondu.

Première constatation : les femmes sont nettement plus nombreuses (72 %) que les hommes à venir aux animations. En revanche, les jeunes adultes n'y participent guère (6 %), contrairement aux seniors, qui forment le coeur du public. Additionnés aux 50-59 ans, ils représentent presque les deux tiers du public.

Par ailleurs, 60 % des participants aux animations ont un diplôme supérieur ou égal à bac+2, ce qui fait dire à Claude Poissenot que "l'action culturelle ne démocratise pas la bibliothèque, mais au contraire participe à la sélection sociale de leurs publics", et en tout cas qu'elle n'intéresse que ceux qui sont déjà familiers du lieu. En effet, les deux tiers de ceux qui viennent aux animations sont des inscrits, et les trois quarts des visiteurs habituels (inscrits ou non).

Seul un cinquième des personnes interrogées n'est ni inscrit ni visiteur. Ce cinquième-là est-il de composition sociologique différente ? Non, constate Claude Poissenot, qui en conclut : "Les manifestations culturelles semblent moins élargir le spectre social de leur public que l'aire géographique de leur recrutement."

L'étude montre cependant quelques nuances liées au contenu des animations. Par exemple, si les expositions attirent les bac+2 et plus, les concerts et les projections captent un public moins diplômé et plus jeune, de même que les ateliers et les animations fondés sur une participation active des usagers. Et le sociologue d'inciter les professionnels à s'interroger sur le contenu des animations qui pourraient être "utilisées à d'autres fins : ouvrir davantage, aller à la rencontre des non-usagers, mieux satisfaire les demandes scolaires ou pratiques de la population..."

(1) Un article du sociologue (Claude.Poissenot@univ-nancy2.fr), avec l'intégralité de l'enquête, sera publié dans le n° 5 du Bulletin des bibliothèques françaises (BBF) du 15 octobre prochain.

03.09 2015

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