Le 25 mai, les Berlinois voteront pour élire les députés européens, mais aussi pour décider de l’avenir de l’aéroport de Tempelhof fermé il y a six ans, célèbre pour avoir accueilli le pont aérien lors du blocus exercé par l’URSS en 1948-1949. Cet immense terrain situé en pleine ville est l’objet d’une âpre bataille politique locale. D’un côté, les élus locaux qui souhaitent y construire la nouvelle Bibliothèque centrale et régionale de Berlin (ZLB), des terrains de sport, un grand parc et de nouveaux logements. De l’autre, des citoyens qui veulent que la zone reste en l’état au nom de la défense du patrimoine.
Pourtant, il y a urgence à construire cette nouvelle bibliothèque. La ZLB est actuellement divisée en deux sites désormais saturés. En accueillant jusqu’à 5 000 personnes par jour, les deux bâtiments atteignent leurs limites. La Bibliothèque américaine, située à l’ouest, prévue à l’origine pour 500 personnes par jour, supporte désormais des pics de fréquentation pouvant atteindre quotidiennement 3 500 usagers. Certains apportent leurs propres chaises pour pouvoir consulter les livres. De plus, chargée d’acquérir tous les livres publiés à Berlin, la ZLB est également obligée d’éclater - par thématiques - toutes ses collections, rendant le parcours de l’usager très compliqué, avec des systèmes de navettes entre les bâtiments.
10 000 personnes.
"Berlin est la seule grande ville allemande et la seule capitale européenne qui n’a pas de bibliothèque centrale", rappelle Anna Jacobi, chargée depuis un an et demi des relations publiques de l’institution. Convaincue que le projet de Tempelhof est justifié, elle en est devenue la plus fervente lobbyiste. "C’est une haute responsabilité pour nous d’offrir un tel établissement, mais les Berlinois ne défendent pas leurs bibliothèques, alors qu’ils les utilisent, explique- t-elle. Avec ce projet à Tempelhof, il y aura de l’espace pour accueillir 10 000 personnes, un café, et un immense parc…" Pour plaider sa cause, elle songe à mobiliser les élus en les emmenant à Riga, où la nouvelle bibliothèque nationale a été inaugurée, et à Amsterdam, où la médiathèque centrale est, selon elle, "un modèle".
La ZLB, qui porte ce projet depuis plus de cinq ans, a accéléré son calendrier. Deux visions radicalement différentes ont émergé d’une compétition entre architectes. Les deux maquettes étaient exposées cet hiver pour que les Berlinois prennent conscience de l’intérêt d’un tel bâtiment. Fin mai, un jury rendra sa décision en choisissant l’un ou l’autre de ces projets, retravaillés entre-temps.
Ce choix coïncidera avec le résultat du référendum. Il suffira qu’un quart des électeurs se rendent aux urnes et que la moitié d’entre eux votent "oui" pour que l’opération se fasse. En plaçant ce référendum le jour des élections européennes, le Sénat de Berlin a mis toutes les chances du côté de ceux qui veulent que Tempelhof ne reste pas un no man’s land. Pour la ZLB, il n’est pas question de songer à un plan B, même s’il en existe quelques-uns : du plus farfelu - certains suggèrent d’installer la bibliothèque centrale dans l’ancien terminal (gigantesque) de l’aéroport - au plus pragmatique - construire le bâtiment ailleurs.
A l’heure actuelle, la bataille n’est pas gagnée pour les partisans de la reconversion de l’aéroport. Le succès de l’initiative de l’association 100 % Tempelhofer Feld a surpris en recueillant 185 328 signatures, obligeant ainsi la ville à organiser un référendum (il faut 174 117 signatures d’initiative populaire). Selon les derniers sondages, les Berlinois sont indécis. Certains voient dans la construction d’une grande bibliothèque l’ultime délire mégalo du maire qui a transformé sa ville en chantier permanent. Et puis les électeurs sont échaudés par les retards et les dépassements financiers monstrueux du nouvel aéroport international de Brandenburg. L’endettement de la ville-Etat, relativement pauvre, explose et les caisses sont vides. Face aux adeptes du statu quo, les partisans de la reconversion plaident en faveur d’un projet qui permettrait la construction de logements dans une ville qui en manque cruellement.
Si tout va bien, c’est-à-dire si le "oui" l’emporte, la construction de la ZLB unifiée commencera en 2016 et ouvrira ses portes en 2021.
Voir les deux projets sur www.livreshebdo.fr/article/les-deux-projets-de-la-future-bibliotheque-centrale-et-regionale-de-berlin-zlb
