« Chaque face, chaque pierre du vénérable monument est une page non seulement de l'histoire du pays, mais encore de l'histoire de la science et de l'art », écrivait Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris en 1831.
La cathédrale, source d’inspiration et de fascination des plus grands artistes, a rouvert ses portes samedi 7 décembre lors d'une cérémonie conduite par le président de la République Emmanuel Macron en présence d'une quarantaine de chefs d'État et de gouvernement, dont le président nouvellement élu des États-Unis Donald Trump ou le président ukrainien Volodymyr Zelensky. La fin de cinq ans et demi de fermeture inédite pour travaux, conséquence de l'incendie survenu le 15 avril 2019.
« L'édition de ce livre était une course »
Une restauration scrutée de près par le monde entier et en particulier par l’historien Mathieu Lours, auteur de l’ouvrage Rebâtir Notre-Dame, paru le 21 novembre dernier aux éditions Tallandier, livre officiel commandé par l'établissement public. En tout, ce sont 304 pages de témoignages, photographies et explications historiques, techniques et scientifiques que rassemble cet ouvrage vendu 49,9 euros et tiré à plus de 20 000 exemplaires. « L’édition de ce livre était une course », selon Xavier de Bartillat, directeur de Tallandier interrogé par Livres Hebdo. « Depuis l’été 2023 nous avons accompagné le chantier au plus près, qui avançait à une vitesse très importante, nous étions donc obligés de nous adapter en permanence car nous voulions avoir la meilleure actualisation possible ». L'éditeur a également ajouté avoir le sentiment de « vivre un moment assez exceptionnel ».
Sentiment partagé par Mathieu Lours, chercheur et membre de la commission nationale du patrimoine et de l'architecture : « En tant qu’historien j’ai l’habitude de m'appuyer sur des archives pour “faire parler les morts” et comprendre le passé. Avec ce projet, je me suis pris le présent dans la figure ! ». Un phénomène qu’il désigne comme « très inhabituel et différent » mais « terriblement intéressant ».
Mathieu Lours, « vigie » de l'ouvrage
Par ailleurs, l’historien se définit comme une « vigie » au sens propre - « lorsque l’on est perché sur les échafaudages de la cathédrale à des centaines de mètres de hauteur » - comme au sens figuré. Pour la réalisation de l’ouvrage, celui-ci a dû convoquer un ensemble de spécialistes et artisans afin de recueillir des témoignages sur tous les pans de l’avancée du chantier, sa complexité et son aspect exceptionnel.
Au total, une vingtaine de longs entretiens ont été réalisés et une centaine d’acteurs interrogés tout au long de la création du livre. Selon le chercheur, « le dérushage a été particulièrement chronophage et compliqué, à l’image d’un montage de cinéma ». Une collaboration également avec l'établissement public - en la personne de Philippe Jost - et les différentes institutions telles que la DRAC, « une aventure menée main dans la main », d’après Xavier de Bartillat qui souligne l’aspect « fédérateur » du projet au sein même de sa maison d’édition. Selon GFK, Rebâtir Notre-Dame a déjà atteint les 4 528 exemplaires vendus.
« La cathédrale est un work in progress »
Ce travail collectif rappelle celui du livre Les Résurrections de Notre-Dame - Histoire, chantiers et ferveurs paru aux éditions Place des Victoires le 7 novembre dernier et qui s’inscrit dans la collection « Grâce d’une cathédrale », créée il y a 17 ans par la maison.
Cet ouvrage ne suit pas seulement l’évolution des travaux mais propose un point de vue plus global, réparti en deux grands chapitres, sur les différentes métamorphoses de la cathédrale - cinq au total - depuis son ouverture en 1345. « Ce monument n’est pas figé dans le temps, c’est un work-in-progress, a expliqué le directeur de collection Bernard Reumaux. Le but du livre est de montrer comment Notre-Dame a su s'adapter à son temps et la nature de sa fonction religieuse qui lui donne son sens aujourd’hui ». Ce projet d’envergure, débuté courant 2023, a mobilisé une quinzaine de personnes (théologiens, historiens, conservateurs…) pour l’écriture, parmi lesquels Mathieu Lours, auteur d’une partie sur la transformation des cathédrales au XVIIe et XVIIIe siècle, le sujet de sa thèse.
La préface de ce beau-livre vendu 69 euros est signée Monseigneur Laurent Ulrich, archevêque de Paris et l’introduction par Jean-Michel Leniaud, ancien directeur de l’École nationale des Chartes. Si la maison n’a pu accéder à l’ensemble des ressources iconographiques - étant sous embargo jusqu’à la sortie du livre officiel - celle-ci prévoit peut-être une réédition « pour inclure des photographies de la nouvelle cathédrale », selon Bernard Reumaux.
Une fascination constante
Victor Hugo dénigrait en 1831 les transformations de Notre-Dame dans son ouvrage : « Mais si belle qu'elle se soit conservée en vieillissant, il est difficile de ne pas soupirer, de ne pas s'indigner devant les dégradations, les mutilations sans nombre que simultanément le temps et les hommes ont fait subir au vénérable monument ». Aujourd'hui, la cathédrale, et ses chantiers, continuent de provoquer un engouement fort chez les auteurs, chercheurs et spécialistes du monde entier, avides de découvrir ses facettes cachées. Mathieu Lours confiait d’ailleurs : « J’ai pénétré dans Notre-Dame une semaine à peine après l’incendie, les pieds dans les cendres ».