Revue de presse : bienveillantes critiques

Revue de presse : bienveillantes critiques

A de rares exceptions, le roman de Jonathan Littell, n°1 des ventes cette semaine (tous genres confondus), attire les superlatifs...

Par Vincy Thomas
avec vt Créé le 15.04.2015 à 20h04

Favori des prix, choix des libraires, élu des lecteurs, Les bienveillantes, premier roman de Jonathan Littell (Gallimard) est aussi un concours de superlatifs de la critique littéraire.

« C’est un choc » (Lire), « Extraordinaire roman » (Page des libraires), « bien au dessus de la mêlée littéraire de la rentrée » (Marie-Claire), « exploit littéraire » (Paris Match), « sidérant » (Le Journal du dimanche), « époustouflante réussite » (Le Monde des livres), « un nouveau Guerre et paix », « magistral » (Le Nouvel observateur), « une prouesse » (Le Parisien)… « Attention, chef d’œuvre ! » (France Soir). N’en jetez plus.

Bémols

Il y a quelques malveillants. Libération en premier lieu : « emploi de bourreau » dès la Une, « Nuit et bouillasse » en gros titre, et un chapeau qui révèle tout de la pensée du journal : « un long docu-fiction sur les horreurs de la guerre vues par un jeune officier SS homosexuel. Le premier roman en français du fils Littell. » Efficace résumé où le quotidien insiste sur trois points : le genre (docu-fiction, pas authentique), la sexualité du personnage (même Têtu n’ose pas la mettre si en avant), l’hérédité de l’auteur (pour définitivement décrédibiliser son talent original). Et le journal de conclure : « Est-on obligé de s’extasier sur cette conscience professionnelle ? »

Les Inrocks n’aime pas non plus la performance (en confondant avec mauvaise foi le buzz littéraire et le contenu du livre). L’hebdomadaire juge « cette fresque trop méticuleuse » qui « finit par ennuyer profondément. »

L’Express qui qualifie le livre d’ « audacieux » et d’ « éblouissant » joue même les avocats du diable : « Quoiqu’on en pense, Littell aura ses détracteurs, en particulier ceux qui refusent par principe […] que l’on joue avec la fiction quand la mémoire juive est en cause. D’autres lui reprocheront des longueurs, lorsque, parfois, il noie son lecteur sous la documentation. »

Montée en gamme

Tout le problème de Littell est d’être confronté à une invasion médiatique. La revue de presse va peser davantage que le roman si cela continue. Il y a les critiques, mais aussi les explications et analyses du phénomène. Les chiffres impressionnent : premier roman, 40 ans, 900 pages, 2 millions de signes, 170 000 exemplaires, etc… Les arguments numériques sont répétés à longueurs d’articles telle une arme de propagande massive.

Mais alors « comment se fait-il que l’on dévore allégrement ces neuf cents pages comme jadis on croqua dans la pomme ? » (Le Figaro littéraire)

Ce « tour de force […] mais de ceux qui épatent sans vous toucher » (Le Point) semble perturber la profession. Sur son blog, Assouline refuse de crier au génie mais reconnaît : « Le style est net, ferme, et clinique mais sans sécheresse du rapport. » « Très bien documenté et servi par une écriture acérée » (Têtu), « un premier roman comme on n’en voit que très rarement » (Le matricule des anges).

Mais pourquoi ? « C’est impossible à lire d’une traite autant qu’impossible à lâcher, parce que, en plus d’atteindre au réalisme le plus cru, Littell ne cesse jamais d’explorer, à la façon d’une Hannah Arendt, ce que c’est que le mal. Ignoble et hypnotisant. » (Elle)

« Qu’est-ce qu’un grand livre sinon une œuvre dont on ne pousse qu’avec réticence la porte d’entrée mais que, ensuite, fait comme un rat de bibliothèque, on traverse le plus vite possible, haletant, jusqu’à la sortie ? » (La Croix). « Quelques dizaines d’heures de lecture plus tard, il faut bien rendre les armes : nous tenons là un monument de la littérature contemporaine. » (Le Figaro magazine)

En d’autres termes : « Authentique petit monument, Les bienveillantes est plus que le chef d’œuvre annoncé : le charme malsain qu’il dégage est carrément addictif, voire jouissif. » (Chronic’art)

Note blanche

Grossman (Vie et destin) est souvent invoqué comme référence. « Le résultat est saisissant. Fresque de grande ampleur […] portée par une authentique puissance narrative et un souci éthique omniprésent […], Les bienveillantes n’est certes pas de ces romans qu’on peut envisager d’aimer, mais il se dégage de ses pages une force de conviction hors du commun, une sensation inouïe de réalisme et de justesse. » (Télérama)

Claude Lanzmann rapproche d’avantage l’œuvre de Kaputt (de Malaparte) que de celles de Tolstoï et Grossman. Avec deux interventions (Le Journal du dimanche et Le Nouvel observateur), cet intègre défenseur de la Shoah se pose surtout garant des règles de bonne conduite dans l’aspect documentaire. Cependant, Lanzmann, qu’on a connu plus mordant, parle de Littell comme d’ « un grand narrateur et un grand descripteur. »

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