6 septembre > BD France > Jean-Louis Tripp

Plus que les Mémoires de Casanova, Extases évoque Ma vie secrète, étonnante autobiographie érotique publiée dans l’anonymat à la fin du XIXe siècle par un Anglais fortuné, dont Stock exhuma une partie en 1994. Cet obsédé sexuel y relatait ses multiples et édifiants ébats. Avec presque autant de technique, de sociologie et de charge érotique, mais beaucoup plus d’humour, Jean-Louis Tripp, libéré des neuf tomes de la série Magasin général (Casterman), qui l’ont occupé, avec Régis Loisel, pendant une décennie, entreprend une autobiographie intime qui doit compter trois volumes.

Le premier, sur 280 pages où le dessinateur de 59 ans se raconte à la troisième personne, court du début des années 1970 au début des années 1980. Voici le jeune Jean-Louis, à Montauban où il est né, devant ses premiers émois. A l’école, Dorothée*, fille d’un gendarme, le fascine pendant les trois mois qu’elle passe dans sa classe avant d’émigrer en Australie, mais il n’ose l’aborder. De même, Pili*, dont il aimerait bien soulever la jupe. Jean-Louis se plonge dans les revues naturistes allemandes que ses parents tiennent mal cachées dans un placard. Il fantasme devant la reproduction d’un nu de Modigliani qui surmonte leur lit, jusqu’à ce que, enfin, lors d’un séjour en Angleterre, les fougueux baisers de Beth* ne lui ouvrent la porte de tous les plaisirs.

Il assume ses fantasmes et ses désirs, mais reste timide, tâtonnant dans ses premiers flirts, qui vont de pair avec une pratique onaniste intensive, comme dans sa découverte de la sexualité et du plaisir féminin avec Caroline*. Par la suite, jamais rassasié, il va tout enchaîner : expérience homosexuelle avec Jacquot*, triolisme avec Agnès* et Simon*, vibromasseur avec la même Caroline* avec qui il vit quelques années, jusqu’à une merveilleuse orgie à la romaine retracée avec une infinie délicatesse. Au-delà de l’homme, Jean-Louis Tripp décrit un univers et une époque, celle d’une sexualité libérée par Mai 68 et non encore perturbée par l’irruption du sida. Il le fait sans détour, mais avec des mots et un trait ronds et tendres, qui confèrent à l’œuvre le caractère d’un exceptionnel morceau de bravoure. Fabrice Piault

* Tous les prénoms, comme les physiques, ont été changés.

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